au Pla de la Lau, 10 mois plus tôt, une de nos pièces éphémères. |
Jour 1: Pla de la Lau (930m) - Mont Valier (2838m) - Refuge des Estagnous (2245m)
Distance: 12km env. ; Dénivelé (+) 1900m ; Dénivelé (-) 700m.
Pas grand-chose à dire sur la très classique montée au Valier par sa voie "normale": le fond de vallée le long du ruisseau est facile et agréable jusqu'à la magnifique cascade de Nérech.
autre image d'archives de la cascade de Nérech, en plein été indien ariégeois... |
pauses méritées à la montée et à la descente, avec un sommet au milieu ; mer de nuages du matin vs. mer de nuages du soir (espoir)! |
Jour 2: les Estagnous (2245m) ; Pic de Barlonguère (2802m) ; Refuge de Montgarri (1675m)
Distance: 12km aussi! ; Dénivelé (+) 900m ; Dénivelé (-) 1500m.
On se lève tôt: on prend le petit-déj', on fait les sacs et on décolle avant 7 heures. On avait dit au revoir et embrassé famille et amis la veille avant d'aller se coucher, ils ne se réveilleront que plus tard pour redescendre au Pla de la Lau et rentrer chez eux ou continuer leurs vacances ailleurs. Pour nous, l'aventure commence vraiment ici et maintenant.
marche méditative matinale ; rhododendrons et mer de nuages ; étang rond dans la brume ; premiers rayons de soleil ; majestueux étang long. |
deux isards dont on ne sait pas s'ils étaient affamés, parasités, surpris par le gel... |
Vision aussi belle qu'inattendue en arrivant au déversoir de l'étang: limpide et immobile, il est encore partiellement glacé, et un névé avachi à son aise au fond du petit cirque nous barre la montée vers le col. Le contour de l'étang est moyennement agréable, toute la trace taillée à flanc d'un versant à pic, est boueuse et à moitié emportée par le ruissellement et le poids de la neige. Il y a quelques pas exposés que l'on franchit heureusement sans trop de problèmes, non sans remarquer que tous n'ont pas eu cette chance... La montée vers le port de Barlonguère et celui, voisin et frontalier, de la Girette est plus facile que prévu. On y arrive à la côte 2500 environ, et Wallis propose de "surveiller les sacs" pendant qu'on va s'offrir le pic avec A., légers, courts vêtus et au petit trot. La crête herbeuse qui ondule est finalement longue et devient peu à peu plus aérienne comme on s'approche du but. Un court mur final bien raide nous laisse au sommet, juste le temps de prendre une photo du cairn trapu et du Valier, majestueux en face de nous. On rejoint vite Wallis et on casse la croûte tandis que le soleil du versant catalan commence à nous cuire à petit feu. La descente jusqu'à Montgarri est interminable, sous une chape de plomb et longtemps sans ombre. Elle n'en finit pas et plus on descend, plus on plaint derrière nos sourires encourageants, les pauvres bougres qui montent à cette heure-ci et comptent dormir aux Estagnous! Non seulement la montée doit être vraiment éprouvante sous le soleil, mais ils n'imaginent pas ce qui les attend de l'autre côté pour rejoindre les deux lacs, puis le dernier mur pour atteindre le refuge. Ils ont la chance de randonner léger, avec des mini-sacs et sans équipement pour camper ni cuisiner. Mais ils ont la contrepartie, aussi, de randonner léger: avec chaussures de trail basses et bâtons et sans semelles ni crampons pour aborder les névés. "Ah ça, c'est chacun qui se le voit..."
Enfin, en milieu d'après-midi on arrive à Montgarri, où l'on prend une bière méritée au refuge, avant d'aller se laver et se changer au bord du ruisseau, puis de s'y reposer et dîner une première fois. On décide de repartir à la fraîche et de s'avancer un peu pour le lendemain, plat de résistance de la boucle dans ce sens. On marche donc une grosse heure avant de faire le camp, souper et se mettre sous la tente, détendus et frais, mais morts de fatigue.
Jour 3: Montgarri (1675m) - Tuc de Maubermé (2880m) - Étang d'Araing (1965m)
Distance: 20km env. ; Dénivelé (+) 1500m ; Dénivelé (-) 1200m.
Distance: 20km env. ; Dénivelé (+) 1500m ; Dénivelé (-) 1200m.
Troisième nuit de l'aventure, la deuxième en montagne et un deuxième lever de bonne heure pour monter à la fraîche. La vallée est verte et paisible et le soleil nous surprend un peu confus dans l'attaque du col de Montoliu, ayant perdu la trace et serpentant au hasard des sentes à vaches, tout en lacets hésitants et en coupes franches face à la pente... On retrouve un peu d'ombre bienvenue de l'autre côté et on repasse rapidement dans la lumière au bord du lac, le temps de parcourir du regard le dos du dragon endormi qui nous attend, son arête dorsale saillante, sa tête cachée derrière le petit col où nous laisserons les sacs - pas mécontents - le temps d'aller faire le sommet.
Commence alors une descente qui sera techniquement très facile mais longue et... vraiment longue. Les genoux et les épaules en ont marre, les pieds font mal - comme les sangles, bretelles et ceintures. On parle botanique puis on entre sous la hêtraie et l'atmosphère change. Plus feutrée, plus humide, plus douce. Mais la descente n'en finit pas et nous, on n'en peut plus. Encore un long bout de hêtraie, on se rapproche du ruisseau, on croise nos premières mouettes: terre en vue! Le sentier est presque plat, on entend une voiture. Des cabanes, une piste, un hameau, une route, des gens, des maisons, des voitures ; la nôtre. On a fini, on est arrivés. On est super contents et hachés. Et on se dit avec lucidité mais sans fatalisme qu'on n'est pas tout à fait prêts pour l'intégrale de la HRP. On pose les sacs pour la dernière fois (de cette fois), on s'embrasse, on remercie F. pour la bonne énergie et la visite, puis on retourne vers les Bordes-sur-Lez pour récupérer le TRANSITion! et ranger Pass'Aran dans le coffre à souvenirs...
Pass'Aran est aussi (surtout?) une expérience magique parce qu'entre Montgarri et Araing, par exemple, on a croisé 2 personnes en 20km et une dizaine d'heures, et qu'on n'a pas beaucoup parlé. En plein mois d'août, c'était un luxe d'avoir tout cet espace, toute cette nature vierge, à deux pas de nos vies et de nos villes, à partager tous les trois. Peut-être aussi qu'aller se tester et sortir un peu de la zone de confort ensemble, ça nous apprend peu à peu à être de meilleures personnes? On remercie A. pour cette cohabitation nomade toujours agréable, jusque dans l'épreuve!
La montée est plus longue qu'on l'imaginait, avec des méandres et des pas fins dans un chaos de pierre qui se donne des airs de bibliothèque alla Umberto Eco: gigantesques piles de livres, affalées, écroulées ou en équilibre, il y a des volumes partout autour, sous nos pieds et au-dessus de nos têtes. Une forêt de cairns spontanée et captivante. On arrive au sommet d'où la vue est magnifique, Valier et Barlonguère sont déjà loin et nous donnent une énergie que le Crabère - sur l'horizon - paraît tout à fait en mesure de nous réclamer pour le reste de l'étape du jour. On la pressentait longue et à la limite des possibilités du groupe et de ses circonstances - forme physique, poids de sacs, conditions du terrain, choix de l'autonomie - et on avait envisagé de ne pas arriver à l'Étang d'Araing et de camper au bord d'un des petits lacs en contrebas du portillon d'Albe. Bien sûr, c'était motivant d'arriver à l'étang et de "faire" l'étape, ça voulait dire une bière en terrasse face au soleil couchant. Mais les organismes commençaient à passer leurs factures et le moral, donc l'humeur s'en ressentaient un peu...
Enfin, F., le papa de Futuna, avait dit que "peut-être, si la météo était bonne et que rien d'important ne le retenait à la maison ou au jardin, il pourrait - insh'allah - prendre sa journée, sa voiture, son sac à dos et monter nous rejoindre depuis Freychendech, passer la nuit au refuge, pour faire le Crabère, la redescente et cette quatrième et dernière étape avec nous le lendemain. S'il faisait l'effort de monter, c'était moche de ne pas l'y retrouver avant le lendemain matin. Donc en résumé, une fois descendus du Maubermé, commence une interminable traversée d'une espèce de plateau. Vues magnifiques et d'autant plus ouvertes que la trace s'élève à flanc de vallée, de plus en plus abrupte, de plus en plus accidentée, vers le Portillon d'Albe. Quelques ressauts et barres rocheuses à passer avec l'aide des mains. Pas encore tout à fait de la grimpe, mais quelques passages vraiment délicats avec des sacs de 15 ou 17 kilos et un peu de fatigue dans les jambes. On se dit qu'on aimerait encore moins le faire d'en l'autre sens avec ces sacs et on imagine le terrain après ou sous la pluie! C'est ici que faire Pass'Aran en version light et en demi-pension dans les refuges prend tout son sens: pour en profiter plutôt que d'en souffrir... Un petit étang bienvenu et un gros névé inattendu plus tard, le portillon d'Albe (2457m) est derrière nous et on découvre avec stupeur qu'il y a encore une vallée entre le refuge et nous. Et là, c'est long. C'est vraiment long. Contourner des laquets au fond de petits vallons, aller s'arrondir tout autour d'une ligne de crête pour découvrir, d'abord les mines de bauxite de Bentaillou au loin, ensuite qu'il faut encore redescendre et remonter pour contourner encore Ford sait quoi et finalement, tomber sur l'étang d'Arain et le refuge. Quand on arrive, crevés et l'humeur pas formidable, F. nous attend évidemment, souriant et un peu inquiet au fur et à mesure qu'il lit nos mines de bauxite déconfites. Ça se règle évidemment avec un pichet de vin rouge et le repas du soir au refuge (plus familial et chaleureux qu'aux Estagnous) pour fêter l'étape et la presque fin de l'aventure.
toujours photogénique, A. cherche des yeux le portillon d'Albe, au fond à droite... |
Jour 4: Étang d'Arain (1965m) - Pic de Crabère (2623m) - Hameau de Freychendech (840m)
Distance: 9km env. ; Dénivelé (+) 700m ; Dénivelé (-) 1800m.
Nuit paisible sous la tente et lever à une heure raisonnable: ça sent déjà un peu l'écurie - au sens propre comme au sens figuré. Rien de spécial pour la montée au Crabère, facile et prise à un rythme tranquille. Vue magnifique depuis le sommet et photos souvenirs de rigueur. De ce belvédère modeste, le regard porte loin, dans toutes les directions. Mais il est toujours capté par les deux massifs poids lourds les plus proches et qui paraissent étonnamment proches, d'ailleurs: l'Aneto et le Néouvielle.
une petite anthologie des poila' originaux de notre A.préféré: ça frise la Lomo! |
Pass'Aran est aussi (surtout?) une expérience magique parce qu'entre Montgarri et Araing, par exemple, on a croisé 2 personnes en 20km et une dizaine d'heures, et qu'on n'a pas beaucoup parlé. En plein mois d'août, c'était un luxe d'avoir tout cet espace, toute cette nature vierge, à deux pas de nos vies et de nos villes, à partager tous les trois. Peut-être aussi qu'aller se tester et sortir un peu de la zone de confort ensemble, ça nous apprend peu à peu à être de meilleures personnes? On remercie A. pour cette cohabitation nomade toujours agréable, jusque dans l'épreuve!
dernières vues de haute(s) montagne(s) et photo-souvenir de rigueur au sommet du Crabère: même le couple Aneto-Maladeta s'est invité! |
En résumé: c'est une très belle boucle de haute-montagne
pyrénéenne. Très bien pensée et pas donnée. Disons qu'il faut quand même marcher et tenir la distance. Que c'est moins souvent de la montagne à vache que de la grande randonnée un peu aérienne. Que c'est très bien balisé, sauf là où ça l'est un peu moins, et ça se sent tout de suite: il vaut mieux avoir mis un sens de l'orientation robuste et un peu de pragmatisme montagnard au fond du sac, 'en' cas.
Mais Pass'Aran offre quand même le plaisir d'enchaîner 4 sommets classiques et leur aréopage de petits lacs sur 4 journées assez équilibrées. Que c'est peut-être plus confortable dans l'autre sens? Ou pas. Et sans aucun doute à conseiller en mode léger avec nuits et dîners en refuges. Piolet et crampons pas forcément utiles si c'est déneigé, absolument indispensables sinon. Même si ça vous "fait chier de les porter pendant 4 jours pour les utiliser seulement 1 o 2 heures". Y'a bien des gens qui portent leur tête toute une vie et au bout du compte, ne l'utilisent pas une seule fois.
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* juste pour ne pas être taxés de Ford-sait-quoi encore: la douche tchèque ne doit son nom à aucune forme de préjugés hygiéniques envers nos voisins du centre de l'Europe. Au contraire. On l'appelle ducha checa" en espagnol (en tout cas dans notre cercle restreint d'amis catalans), à cause du bruit "tchek-tchek" qui accompagne un rinçage des aisselles à la main, généralement à l'eau froide ou presque et parfois sans savon, avant de se sécher et de se rhabiller aussi vite que possible... Si on a réussi à blesser quelqu'un, on s'excuse: qu'il/elle nous écrive et on lui enverra une carte postale pour se faire pardonner!
nouvelle page de l'album 'voies et ascensions'! |
Voilà, nous on part grimper à Calamés,
ou plutôt, comme l'histoire nous l'apprendra:
on s'apprête à passer 3 jours enfermés tous les 3
dans la furgo, à regarder le déluge nous tomber dessus,
en chantant "something stupid" et "little boxes" à 2 voix et 1 ukulélé.
Dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on avait prévu
ça a au moins le mérite de nous surprendre
et c'est ça qui est bien, au fond.
On vous embrasse tous,
ou plutôt, comme l'histoire nous l'apprendra:
on s'apprête à passer 3 jours enfermés tous les 3
dans la furgo, à regarder le déluge nous tomber dessus,
en chantant "something stupid" et "little boxes" à 2 voix et 1 ukulélé.
Dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on avait prévu
ça a au moins le mérite de nous surprendre
et c'est ça qui est bien, au fond.
On vous embrasse tous,
Wallis & Futuna
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* juste pour ne pas être taxés de Ford-sait-quoi encore: la douche tchèque ne doit son nom à aucune forme de préjugés hygiéniques envers nos voisins du centre de l'Europe. Au contraire. On l'appelle ducha checa" en espagnol (en tout cas dans notre cercle restreint d'amis catalans), à cause du bruit "tchek-tchek" qui accompagne un rinçage des aisselles à la main, généralement à l'eau froide ou presque et parfois sans savon, avant de se sécher et de se rhabiller aussi vite que possible... Si on a réussi à blesser quelqu'un, on s'excuse: qu'il/elle nous écrive et on lui enverra une carte postale pour se faire pardonner!