... sur la Belgie (sans oser le demander)!
Un(t)raveling décline toute responsabilité
quant à la véracité des allégations de cet article. Toute ressemblance avec un
pays, une culture, des lieux et des personnes existant ou ayant existé serait
bien évidemment fortuite. Ceci étant dit, on peut commencer à aligner clichés et fausses vérités (comme quoi les précautions oratoires, ça a du bon):
Alors, on est entrés en Belgique sans s'en rendre compte, par les Ardennes, un 2
juillet de bonne heure. Près de Charleroi, on a suivi le cours de la Sambre sur un bon
kilomètre et on s’est garés dans une vieille carrière abandonnée. Là, on a
cassé la croûte et escaladé une paire d’heures au soleil, quand soudain le ciel
s’est couvert en un rien de temps. Puis une averse nous est tombée dessus, qui
a duré neuf jours! Il y a bien eu quelques éclaircies, notamment une de plusieurs
heures d’affilée sur Antwerpen, la semaine suivante. Grâce à elle, on a pu faire le plein de couleurs et de
chaud-au-cœur. Ensuite, ça a recommencé à grand renfort de trombes d’eau et de
rideaux de pluie, avec un ciel si bas qu’il faisait l’humiDité. Bref, en Belgie en
plein mois de juillet, il fait gris, humide et environ douze degrés. Ce n’est
peut-être pas bon pour le tourisme, mais c’est un fait!
|
Vue sur la Sambre depuis le haut de Fruit défendu, 7a -Lendelies. |
|
|
|
Antwerpen en technicolor, lors d'une éclaircie aussi brève que providentielle. |
À Bruxelles, on est allé rendre visite à notre chère J., son compagnon Th. et leur petite G. On a coulé là des jours heureux entre les immeubles art-nouveau d’Ixelles, on a fait les courses au Delhaize du coin et on s’est rendu compte qu’on était loin de chez nous. Mais, dis Wallis, c’est où chez nous, déjà?
|
Wallis et Futuna en pleine révélation quantique... |
On a vibré avec la Belgie toute entière lors de son dernier match
en coupe du monde, puis on a profité d’une éclaircie pour aller voir l’Atomium
et le quartier des institutions européennes. On a cherché des moules-frites en
cornet de papier, comme dans les bédés belges de notre enfance. En vain. Bref,
en Belgie, les moules-frites ça n’existe pas, ou alors y’a longtemps, et elles
sentaient pas bon. C’est donc comme la paella à Barcelone: soit c'est fait maison, soit c'est pour les touristes, cher
et pas très appétissant.
Sous une pluie battante, on a arpenté les
rues de Gand, puis celles de Bruges. Les façades sont belles, les toits en pente,
les pignons en escalier, les cigognes en berne. Soit. La brique est rouge,
ou grise, ou brune, ou ocre, ou lie-de-vin, ou noire, ou même jaune. Exceptionnellement
peinte en vert ou en bleu. Parfois sale. Mais omniprésente. En tout cas,
on en a trouvé plein les cathédrales (pour uniques montagnes) et jusqu’en haut
des noirs clochers (comme mâts de cocagne), mais aussi sur tous les pavillons de
banlieue, dans tous les lotissements et même empilée dans quelques
arrière-cours et oubliée au fond de ruelles sordides. Bref, en Belgie, la
pierre est une valeur rare, sauf dans les vitrines des bijoutiers du quartier
de la gare, à Anvers.
|
"la plage était déserte et dormait sous juillet", qu'il disait. tu parles d'un boniment! |
Avec la mer du Nord pour dernier terrain
vague, on est allés voir Knokke-le-Zout, comme un hommage (subtil, évidemment) à monsieur
Brel. Ivres de vagues de dunes pour arrêter les vagues, on y a cherché la mer
entre les rangées de cabines de plage. De guerre lasse, on a flâné autour du
Casino, entre les Porsche Cayenne et les coupé Mercedes. Et pendant qu’on
grignotait un spéculoos trempé dans un café au lait, on a même pris une prune
pour un bête horodateur auquel on avait oublié de donner à manger : un
dimanche à onze heures du matin ! Bref, en Belgie, impossible de trouver
un parking gratuit pour ta poubelle rouillée d’avant 2012, et il n’y a pas de
dimanche ni de jour férié qui tienne. Circulez, y'a rien à voir.
|
si tu suis le sage, l'eau tu trouveras... |
Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut,
on a passé quelques jours à vagabonder, à chercher de petits coins de nature où
garer le TRANSITion!, où dormir entre deux arbres, où cuisiner au calme. Dans
tous les villages qu’on a traversés, on a cherché une fontaine où remplir notre
bidon. Las. Autour de toutes les églises, devant toutes les mairies, dans tous
les squares et les jardins publics, autour de tous les stades et même le long
des berges mornes : rien ! Il n’y a pas de fontaines
Wallace, pas d’eau potable, pas de buvette en ciment dans les parcs. L’espace
public est en cale sèche. Bref, en Belgie, ou bien ils ne vivent pas dehors, ou
bien ils n’ont jamais soif dehors, ou bien ils ne boivent que de la bière (il y
a bien aussi cette théorie qui voudrait que les vieilles fontaines - jadis
alimentées par des nappes phréatiques maintenant polluées – aient disparu faute
d’avoir jamais été raccordées au réseau. Soit).
Ce qu’on a trouvé, en revanche, dans la rue, ce sont des friteries. Plein. À chaque carrefour (dans Paris que l’amour…) et la frite y croustille, parce qu’on lui en donne le temps. Avec le temps - mince, c’est plus Brel ça, c’est le deuxième larron!) d’un premier trempage, puis d’un long égouttage, la frite refrite au dernier moment croustille drôlement plus. Elle croustille même tellement que, non content de vous brûler le palais, elle s’y vous plante et te vous l’égratigne. Mmmh! On te vous la sert drapée dans un cornet de papier fumant, baignée d’une sauce qui peut être le pire ("riche") comme le meilleur ("ketchup curry"). Et là, le paradis a un nom, en flamand dans le texte: la Joppiesaus. La frite refrite au dernier moment, on peut l’accompagner (ou non) de wurst, cervela, satay ou knacki, tous plus artificiels les uns que les autres mais tous jetés négligemment dans la friture et tant dorés à cœur que leur peau en plastique en fait des petites cloques de plaisir. Un petit pas pour la gastronomie, un grand pas pour l’athérome. Bref, en Belgie, s’il faut rendre à César, la frite c’est quand même autre chose !
|
|
|
|
échantillon de la gastronomie belgienne et ambiance de la rue: art conceptuel, installations* et esprit festif. |
En territoire flamand, on n'a pas trop parlé, ou alors seulement, parfois, du bout des yeux. On a écouté beaucoup et répété quelques trucs en espérant que, sur un malentendu, on se ferait comprendre. On a fait des sourires et des gestes, des phrases en anglais, aussi. On a parlé français, en désespoir de cause, mais en s'excusant déjà de n'être pas plus loin. Et à la fin, on est allé faire ce qu'on fait le mieux quand on est désemparés: on est allé faire du helpx. Une FFFF (famille flamande francophone-friendly) pas très loin de Lueven nous a ouvert les portes de sa maison à l'architecture très oecuménique: vieille pierre du pays (enfin!), bardage bois, balles de paille sur ossature bois, enduits en terre-paille, poêle de masse en argile (massive), plafonds en chaux-chanvre etc. Tout le matériel pour un docu sur l'éco-construction sur moins de cent vingt mètres carrés. Il y avait là de tout pas tout à fait fini, donc toujours plein à faire dans tous les coins. De l'enduit de corps, de rebouchage et de finition, du plafond et même du sol. Et aussi du maraîchage, des poules, trois chats, de la cuisine, de la vaisselle, du ménage... Bref, en Belgie, il n'y a pas beaucoup d'hôtes helpx, mais il y a de quoi faire, et la barrière de la langue n'est pas une excuse.
|
|
|
|
helpxing en terre et chanvre: réparation du dessus de porte (l'enduit de corps fissure mais c'est normal!), enduit de plafond (chaux, argile,
chanvre), enduit de finition du couloir (sable, argile, chanvre), lissage de la fenêtre d'orient à l'éponge et vue panoramique du chantier
de la pièce ronde; au centre, la rocket stove dont on a maçonné la cheminée en brique réfractaire, manque l'habillage d'argile. |
Et puis pendant ces deux semaines, il y a
eu aussi et dans le désordre : des canaux – dont un qui s’était pendu –
des péniches authentiquement rouillées et parfois reconverties en clubs
américains à hôtesses, de (très) grosses voitures neuves gourmandes en essence,
des éoliennes, des vélos, des dancing et des bowling, des églises à dôme obscur
et des usines de bière désaffectées, des troupeaux de Blanc-Bleu-Belge et une
salle de ski artificielle en rase-campagne (mais on me dit en régie que c'était juste de l'autre côté de la frontière zélandaise), quelques collines boisées et
beaucoup de rues pavées, des antiquités au goût douteux, des distributeurs
automatiques de pain bio, complet ou de seigle, des nains de jardin en veux-tu
en voilà, des mannequins punis pendant les soldes et des oeuvre d'art volées (voir photos plus haut*), des serveurs aimables et
souriants, des caissières qui disent « s’il vous plaît » en rendant
la monnaie, des trams qui grincent vraiment dans les virages comme au cinéma,
des tiques qui transmettent vraiment la maladie de Lyme comme dans les cours
de l’école véto, des docks sur les berges, des grues sur les docks et des mouettes sur les grues.
|
non, ce n'était pas le radeau de la méduse... (et voici, in extremis, notre troisième laron!) |
Il y a parfois des pigeons et des figuiers sur les péniches, souvent des cyclistes sur d’interminables pistes cyclables, toujours une densité de population à faire pâlir de jalousie bien des mégalopoles et invariablement des Wallons qui parlent français avec un accent délicieux et des Flamands qui parlent français avec un accent délicieux! Il y a même des déchetteries où l’on vous fait passer la voiture à la bascule avant et après le dépôt histoire de vous faire payer chaque kilo de déchets recyclés (et l’on se dit qu’on est bien loin de chez nous, parce que chez nous avec un système comme ça, tout le monde enterrerait ses déchets au fond de son jardin ou leur foutrait le feu le dimanche avant la messe, ce qui est déjà le cas bien souvent, en tout cas mon voisin le fait parfois mais moi je dis ça je dis rien, hein).
Bref, en Belgie, le bout du monde est encore
assez loin, mais le dépaysement est quand même au coin de la rue et l’on se
sent déjà exotique, mat de peau et à dire vrai à peine débarqué de quelque lointaine province persane.