Monday, December 14, 2015

MCC#1 - Ma Cabane au Canada! - épisode 1

du typique diptyque "avant/après", voici donc le demi... d'ouverture (ha ha!).

"Ma cabane au Canada*,
Elle est blottie au fond des bois.
On y voit des écureuils,
Sur le seuil.

Si la porte n'a pas de clef,
C'est qu'il n'y a rien à voler
Sous le toit de ma cabane
Au Canada."


Voilà voilà. Très bien, un grand merci à Line Renaud. Après cette introduction musicale et dépaysante, nous pouvons commencer: notre cabane au Canada à nous, ce weekend-là, était plutôt tarnaise. En fait d'écureuils sur le seuil, il y avait en outre une vielle chatte (pardon, il faut appeler un chat un chat - donc par son nom - et je ne veux pas voir cette espèce de sourire en coin moitié goguenard moitié adolescent attardé!) obèse et taciturne, roupillant du soir au matin dans une caisse curver au plastique défraîchi et remplie de couvertures, sur l'étagère courant le long du mur du fond. Mais c'est plus difficile à chanter, d'ailleurs ça ne rime même pas. Ou alors y'a longtemps - et il sentait pas bon... Pauvre chère Line Renaud! Bien. Le "patron" (on aurait pu dire "le parrain" ou "le patriarche", "not' bon maître", le "client" ou encore "l'instigateur du projet"; on aurait même pu l'appeler Moïse, tiens!) voulait pouvoir ranger à l'abri des intempéries - et un peu aussi des regards - des trucs trop grands ou pas assez importants pour aller dans la cabane. Il avait donc besoin d'une extension à ladite cabane, et nous nous offrîmes, d'autant plus volontiers qu'on savait à quel point il adore bricoler, de la faire pour lui, avec beaucoup de gentillesse et pas mal de bois de récup'.

étapes 1 et 2: évaluer l'existant, rassembler les matières premières et dimensionner le projet, au moins dans les grandes lignes...
Ajoutez à cela une courte mais enrichissante formation sur un weekend, intitulée "les bases de la charpente en pratique" et organisée par l'association Écorce (association d'éco-constructeurs de l'Ariège et de l'Aude qui nous compte désormais parmi ses membres valeureux et vigoureux) et vous obtiendrez - hop! - le cocktail rêvé pour un projet DIY à la sauce Un(t)raveling. On avait d'ailleurs déjà fait une petite cabane de jardin en palettes pour une maison antérieure de not' bon maître, mais elle resta hélas en héritage pour les (chanceux) locataires suivants; les curieux la trouveront parmi les cartes postales de notre section handmade with love. Donc, sans plus attendre, voici:

La première étape: comme pour tout projet d'upcycle-DIY qui se respecte, nous nous lançâmes d'abord dans une chasse (éperdue) aux palettes et autres pièces de bois diverses. Chasse fructueuse dans et aux abords de R., où les boutiques de bricolage, d'équipement pour la motoculture et autres dépôts de matériaux de construction sont légion et abandonnent souvent, à la nuit tombée, des trésors de toutes tailles et qualités dans les recoins sombres de leur(s) parking(s). L'Association précédemment citée nous vendit également sept mètres d'un bon chevron (6x8cm) en deux belles pièces, parfaites pour réaliser une charpente légère mais "dimensionnée". Après avoir épointé et ébarbé sommairement tout ça, nous le classâmes (Ford! que ce passé simple sied mal à notre XXIième siècle!)

étape 3: les petits coffrages prêts à encoffrer, les supports de nos pattes armées et les faux-poteaux bien équerrés!


La deuxième étape: réaliser une étude qui - sans toutefois ignorer complètement les désirs du client - satisfît avant tout les exécutants (d'un jour) et leur permît d'écouler la matière première qu'ils avaient accumulée à grands renforts de voyages en 2c15. "Vous vouloir structure légère, planches clouées, pieds posés à même le sol, quelques cailloux pour caler? Parfait, nous bien compris! Pas se préoccuper, nous faire charpente traditionnelle, assemblage pièces, scellement armé!" (sic.) À ceux qui se demanderaient d'où nous vinrent cette stratégie brillante et ce cynisme commercial: ils nous furent donnés par un certain archi' et son aréopage d'artisans que nous vîmes à l'oeuvre - quoique du coin de l’œil - sur un chantier juste à l'autre bout de ce même jardin... Voilà, il nous fallait le dire, c'est dit. Nous nous mîmes (marre sot?) donc sans plus tarder au boulot.


La troisième étape: ayant demandé à not' bon maître le patriarche-client de creuser des trous en deux points stratégiques et déterminés avec précision, nous nous mîmes (mare seau?) en devoir de préparer deux petits coffrages de 25x25, ainsi qu'un support percé qui recevrait les tiges de scellement: 4 gonds de volets de 60cm (3,10 euros pièce chez Brico') semi-enterrés, armés de ferraille et positionnés de façon à prendre les poteaux transversalement. Avec 2 chutes de chevrons en guise de faux-poteaux et une longue latte de palette, nous montâmes un dummy pour présenter tout ça en place, d'équerre et à niveau. Hop! C'est fait, circulez y'a rien à voir et let the police do its (repressive) job...

étape 3 toujours: on dirait pas comme ça, mais c'est plus dur de mettre en page ces photos que de poser les pieds d'équerre!
Nous mélangeâmes avec soin (vous, on ne saurait le dire, mais à nous, tous ces "-âmes" nous y font mal, justement; et c'est bien plus la flemme de tout modifier que notre flamme pour le passé simple qui nous fait persiste-et-signer) sable et ciment prompt sans en respecter (est-ce permis?) le dosage précis. Puis nous mouillâmes généreusement le tout et l'agitâmes vigoureusement avant de mettre finalement le truc dans le machin sans plus de cérémonies. Il fallut s'y reprendre à plusieurs froid, euh pardon! fois - décidément le lapsus m'habite aujourd'hui et ce paragraphe sent dangereusement le soufre. D'ici que des défenseurs des mœurs viennent à nous lire et veuillent nous réduire au silence, il n'y a pas long... On essaiera bien de leur dire que Rabelais lui-même, Ronsard et nos ancêtres les Gaulois. Las! En ce dimanche de second tour, les jours de la bite écrite, ou dessinée, pourraient bien nous être comptés. Filons!

comme ça a l'air propre, simple et évident sur la photo! Snif...
La quatrième étape: pendant que le machin séchait, et comme le tout paraissait très confus (décidément, ce post va faire des Heureux les simples de la bougie car le royaume d'essieu leur appartient à ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie abat grande brise Marine sur nos campagnes!), nous en profitâmes pour aller scier un coup. Ou scier dans le bois, c'est comme on veut. Nous voulions fabriquer un portique avec deux pieds d'environ 1,70 m, un montant d'environ 2,30 m de portée et trois fermettes qui reposeraient contre le mur de la cabane, de 1 m de large et 40 cm de haut pour donner une pente confortable à notre toit en bardage**. L'idée était de faire porter le poids de celui-ci (minime) sur le portique scellé et de fixer les fermettes aux chevrons de la cabane: pas vraiment de charge, juste une tenue à la traction (faible) lors des coups de vent. Après tout, le schmurtz ayant des pieds coulés dans le béton armé dans la plus pure tradition du BTP napolitain, nous n'avions pas vraiment de souci à nous faire. Pouf pouf! Nous nous jetâmes à corps perdus dans un marathon d'assemblages: mi-bois pour les montants horizontaux (résistance à la traction), tenons et mortaises pour les contre-fiches (compression et équerrage) et si on dit des bêtises, surtout surtout, vous nous corrigez dans les commentaires, s'il vous plait: on débute et on déborde d'enthousiasme mais bon, faudrait pas croire non plus qu'on y connait quelque chose... Nous apprîmes à tracer les parallèles au mètre de charpentier parce que, dixit le charpentier de la formation: "quand t'es à 6 m de haut sur une charpente par grand vent, t'as pas vraiment le loisir de trimbaler règle, équerre, compas, gomme et tout le saint-trusquin" (le calembour n'est pas du charpentier; je sais, c'est pure trusquinerie de le préciser mais on en est si fiers!).

étape 4: un mi-bois avant/après ; un tenon fini puis en cours de traçage et LE truc-astuce pour tracer sans trusquiner!
Nous préparâmes et creusâmes les mortaises au ciseau et au maillet - non sans quelques sueurs froides et autres anguilles existençoisses - comme ils verront bientôt ci-dessous. Puis assemblâmes le bijou. Commencèrent alors de longues séances de démontage, correction des coupes, remontage successifs jusqu'à obtention d'une structure stable, bien emboîtée et d'équerre. Dire que nous nous y reprîmes à plusieurs fois serait un euphémisme... Puis à un moment donné, vers la fin de la première journée, le truc ressembla enfin à quelque chose. On le démonta donc pour la dernière (!!!) fois, on rangea tout avec soin et on laissa le soir jeter sur la scène un voile humide et glacé - tout à fait propice au séchage du ciment, d'ailleurs! Après un dîner bien mérité, délicieux et préparé avec amour par not' bon maître le mécène-pharaon, dont les largesses firent pleuvoir dans nos timballes un déluge de vin rouge, nous partîmes cinq cents et par un prompt renfort, nous roulâmes bientôt la viande dans le torchon... Ce fut un lever aux aurores pour un Futuna incapable de dormir plus longtemps en ce matin glacial et venteux. Et que je te me serve des tasses de café au lait, et que je te me fasse et refasse des calculs douteux... "Qui trop tourne autour du pot finit par attraper des vers" ne disait pas ma grand-mère et comme elle n'avait pas tort.

étape 4 (fin): mortaisage et assemblage sont les mamelles de la charpente! en résumé, après retouches et re-retouches ça donne ça.
La cinquième étape: peu avant neuf heures, pourtant, nous osâmes enfin mettre les points sur les i, les poteaux sur leur socle et en un mot: la chose à sa place. Il fallut lui parler doucement et la marteler avec tendresse pour que les poteaux glissent entre les gonds scellés. Pour éviter d'éventuelles remontées d'humidité, nous prîmes la (sage) décision de leur poser une cale en bois de séparation dessous et, après en avoir ajusté le niveau avec soin, nous pûmes assujettir le tout, que nous vissâmes et serrâmes en position finale - ou presque. Les montants transversaux ayant été préparés avec quelques centimètres de plus, nous dûmes les recouper après avoir vérifié l'aplomb du système (qui n'en manquait pas!), avant de pouvoir les démonter pour passer finalement au montage des trois fermettes: une à chaque extrémité, en appui sur l'un des poteaux et fixée à l'un des chevrons extérieurs du toit de la cabane, et une autre à environ deux tiers-un tiers de la longueur du bidule, reprise sur la faîtière curieusement excentrée... Allez comprendre.

étape 5: installation finale du schmurtz, montage des fermettes et fixation au sol et à la cabane. Ça devrait tenir...
La sixième étape: pour l'assemblage de nos fermettes, nous avions le choix entre des rêves plein la tête et la mise à l'épreuve du réel. Tristement peut-être, à environ 11h du matin ce dimanche de décembre, le pragmatisme prit le pas sur les idéaux: un embrèvement simple vissé en partie basse, pour la poussée du toit, et des tire-fonds de 10x140 pour tout le reste. Vlan! Ce ne fut guère élégant mais ça tiendrait. Il eut été difficile de ne point verser une larme, et nous ne la retînmes pas. Mais dans le fond, ça n'allait guère se voir et "on n'avait pas tellement le choix". Ce n'fut pas Waterloo, mais ce n'fut pas Arcole: ce fut l'heure où l'on r'grette, d'avoir manqué l'école... Perte de l'innocence et le temps qui jouait contre nous; le fond de l'air était frais et le filet-mignon sur son lit de petits légumes et citrouille braisée était prêt à être enfourné. Nous étions deux amis et Fanette m'aimait, plus dure sera la chute etc. Réalisme et pragmatisme sont décidément les mamelles... des bricoleurs du dimanche.

le diptyque "avant/après" et sa moitié... pas tout à fait terminée. Affaire à suivre?

Or donc la voie facile n'est jamais la plus courte:
Tout ne fut pas aisé et ça ne fut pas d'la tourte.

Alors bien sûr dit l'autre: nous eûmes des orages,
(Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol)

Cent fois sur le métier remîmes notre ouvrage,
Le polîmes sans cesse et le re-re-polîmes,
Ajoutâmes parfois et souvent effaçâmes,
Nous hatâmes un peu et sans perdre courage.

Comm' dit si bien Boileau enfin: au vent nouveau,
Tout l'bazar fut monté, pour l'heur' de l'apéro!


Ouf! Trois fermettes et quelques tire-fonds plus tard (vissés à la main, la visseuse ayant déclaré forfait bien vite), nous pûmes rentrer nous refaire: Nous qui crevions de froid, aller nous mettre au chaud, Nous qui crevions la dalle, aller casser la croûte. Diantre! c'était à craindre: à force de traîner (Ma misère hautaine) entre rimeurs d'élite, Voilà que j'ai choppé une Alexandrinite*** (chronique?). Nous revînmes plus forts et convaincus que jamais, décidés plus qu'à en découdre: à en finir! Nous fixâmes sans d'états d'âmes deux pièces descendant de la faîtière pour recevoir et soutenir la fermette excentrale (-trique?). Puis nous couvrîmes nos fermettes d'une volige fine et légère comme un voile ou une bruine d'été. L'amour de la besogne bien finie nous poussa même - cerise sur le liteau - à cheviller nos contre-fiches, plus pour le look qu'autre chose; qu'importe le bon grain pourvu qu'on ait l'ivrée? Hein? Non? Ah bon.

étape 6: embrèvements des fermettes, petit chevillage juste pour le plaisir, pose de la volige et c'est tout pour aujourd'hui...
Finalement, au bout d'un moment, soudain il fit nuit. C'est ça qu'est bête avec l'hiver: le soleil chauffe moins et brille moins longtemps. La journée de travail s'en voit donc réduite et l'on s'étonne presque que le MEDEF ne nous propose point une loi d'ajustement hivernal du salaire minimum au pro-rata des heures de jour, ça leur ferait les pieds à tous ces gauchistes fainéants, non mais! Nous rangeâmes chaque chose à sa place, nous lavâmes bien les mains, promîmes de revenir bien vite pour la suite et rentrâmes chez nous par la route qui serpente à travers un Lauragais tout transi de bise nocturne.

Allez, ça est la fin de l'épisode du jour d'aujourd'hui. Dans le prochain, on parlera couverture du toit, bardage extérieur, porte et plein d'autres merveilles qui fleurent bon le DIY, la récup' de palettes et tout ça...

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* autrement connue (et immortalisée) comme "Ma maison dans la forêt...", version improvisée par N., une amie de colonie de vacances à la mémoire fantaisiste - et très alcoolisée cette nuit-là - lors d'un jeu de table il y a environ presque exactement 20 ans, tout ça ne nous rajeunit pas. Nico si tu lis ce post, tu t'en rappelleras sûrement: il y a des expériences que l'on n'oublie pas et je pense qu'un certain mur, en tout cas, s'en souvient encore....

** Un(t)raveling tient à préciser qu'une fois accordée la conception initiale du projet, not' bon maître le Gaudi pavillonnaire eut tôt fait de reprendre en main la maîtrise d'oeuvre et décida de bon nombre d'aspects concernant notamment les finitions et avec lesquelles nous pûmes, ou non, être d'accord au moment de leur exécution. "Je préfère, faisait dire Marguerite Yourcenar à son Adrien, être le premier dans un village que le second à Rome". Et nous sommes sûrs qu'Adrien devait avoir travaillé sur des chantiers d'abri de jardin, lui qui n'ignorait rien des affres de la compromission!

*** l'alexandrinite chronique, bien connue en Wallonie comme la Jacobrélose galopante et un peu partout ailleurs sous le nom inquiétant d'Hugolite maligne hyperboliante qui n'est guère complaisant avec une évolution clinique pourtant le plus souvent favorable. Les accès d'alexandrinite chronique se dissipent en effet souvent spontanément au bout de quelques jours. S'ils durent rarement plus d'une semaine, ils peuvent toutefois laisser leur victime dans un état d'épuisement total. Pas de traitement connu, si ce n'est peut-être, l'application d'une bonne dose de Journal de 20 heures.

2 comments :

  1. Finalement les lecteurs nous émerveillâmes du résultat et retournâmes à nos tâches journalières tout en revant un jour de dédier un peu de notre temps oisif à mettre à l'oeuvre tout ces bons et détaillés conseils (non sans avant avoir pris un dictionnaire pour savoir ce qu'est un chevron, une fermette, un embrèvement, une faîtière, un bardage...).

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    1. merci! nous, on croit avoir compris que ce jour dont tu rêves arrivera bientôt, Willy Fog... oisiveté, voyage, émerveillement et pourquoi pas: apprendre les termes de menuiserie dans 20 langues différentes! ;)

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