Un post court (relativement), pour
expliquer un peu le thème de notre carte de vœux mouture 2014 et y joindre
quelques images originales.
L'air de rien - como quien no quiere la
cosa -, les jours passent et le 31 arrive. Wallis avait très envie qu'on se
fasse un igloo afin d'y recevoir dignement la nouvelle année. On en parlait
avec de l'émotion dans la voix, on avait aiguisé la pelle et on pensait même
s'offrir une scie à neige. Et puis Futuna (qui écrit ces quelques lignes) était
un peu réticent et se disait qu'une cabane de berger, un abri de montagne, un
refuge non-gardé: en un mot, n'importe quoi qui fut dans la neige et un peu
loin de la foule MAIS avec un vrai toit voire un bas-flanc et une cheminée, ça
ferait tout aussi bien l'affaire. Il faut dire que Futuna avait eu par le passé
de douloureuses expériences de nuits glacées sous la tente ou en bivouac et si
pourtant on a coutume de dire "chat échaudé craint l'eau froide", il
lui semble - au contraire - que celui qui craint le plus l'eau froide, c'est
celui qui y a goûté... Enfin bon, si je commence comme ça, on ne verra jamais
le bout de la journée du 31. Ni la queue du 1er.
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quelques brumes matinales sur la vallée de la Courbière |
On en a donc repéré deux, de cabanes ouvertes. Des qui nous plaisaient bien et que leur situation rendait compatibles avec le projet... On a vérifié un peu leur état sur l'indispensable
bible des cabanes pyrénéennes, on a pensé à des randos tranquilles pour patauger un peu dans la
neige le matin du 1er, puis on a préparé nos sacs. 31 décembre, fin de matinée, on se met en marche. Las, moins d'un kilomètre après le hameau de la Freyte, la petite route qui remonte la vallée de la Courbière se transforme soudain en
patinoire, les employés communaux n'ayant pas jugé utile - pour d'obscures raisons - de la déneiger ni de la dessaler au-delà de la petite prise d'eau EDF où on se baignait, l'été, avec la colo (-nie, pas -scopie, évidemment). De douloureux souvenirs du 30 décembre précédent (3 heures à essayer de dégager le TRANSITion à la fois planté dans le verglas ET embourbé dans un fossé sur la piste de l'orry de Prats-Balaguer avec les Veronikas, sans couverture téléphone et le soir qui tombait, jusqu'à l'arrivée providentielle et inespérée d'un 4x4 équipé d'un treuil et de beaucoup de bonne volonté) nous incitent à la prudence et humblement, mais non sans quelques larmes dans les yeux, on fait demi-tour.
Un couple de Tarnais en Clio, tous pneus-neige dehors, skis de rando sur le toit et sacs à dos sur les sièges arrière nous croisent (et narguent) comme on redescend. Plus de regrets: même si on avait mal garé la furgo sur le bord gelé
de la route et marché presque 2 heures de plus que prévu pour arriver à la cabane, on l'aurait sans douté trouvée déjà occupée et j'imagine qu'ils n'auraient pas eu plus envie que nous de partager leur ermitage du bout du
monde et leur réveillon à la into the wild... Rideau.
Bon, retour à la case Rabat. 31 décembre, 14 heures: ladies and gentlemen, le moment est venu de trouver un plan B! Heureusement pour nous, le Tarasconnais regorge de trésors et vestiges préhistoriques... En effet, il y a environ 14.000 ans, l'Ariège était déjà peuplée de montagnards barbus, somme toute assez semblables aux grimpeurs et éleveurs de chèvres, fringues en microfibre et téléphone portable en moins, peut-être... Nos lointains ancêtres ariégeois, plus connus sous le nom de Magdaléniens, avaient choisi les nombreuses grottes du département (celles de Niaux et du Mas d'Azil sont sans doute les plus célèbres) pour leurs quartiers d'hiver. Là, couverts de peaux de bêtes, ils venaient peindre leurs scènes de chasse, passer les longues nuits d'hiver au coin du feu et tuer le temps en s'épouillant mutuellement. Ils furent de prolifiques artistes et de véritables visionnaires, créant le graffiti art et élevant le pictural rupestre à un niveau, hélas, jamais égalé depuis. Plus d'un Banksi ou d'un Mr. Brainwash doit rêver aujourd'hui de voir ses fresques non seulement préservées mais aussi visitées et portées aux nues après 140 siècles d'existence. J'ouvre une parenthèse pour recommander ici le très dérangeant documentaire "Exit through the gift shop" (2010), qu'on a vu plutôt par hasard 2 ou 3 jours plus tôt et dont l'écho nous résonne encore, à défaut de nous faire vraiment raisonner... hum...
Un gros WTF? et quelques vraies interrogations... Mais je m'égare... Revenons à nos Magdaléniens: leurs peintures et gravures couvrent aujourd'hui encore les murs de grottes et galeries dans toutes les vallées de l'Ariège, particulièrement autour de Tarascon. Et je comprends soudain pourquoi on appelle galeries d'art ces endroits où l'on suspend aux murs des tableaux aspirant à la vie éternelle. De leurs 3000 ans d’occupation et d'activité dans la région, les Magdaléniens nous ont également laissé une impressionnante collection de gravures et sculptures, outils de silex, armes de chasse, objets de décoration et de culte, et autres instruments de musique! Pour ceux qui le souhaitent, le web regorge d'infos très intéressantes. Et pour les plus curieux, il y a aussi ce rapport sur l'occupation récente (moyenageuse et postérieure) des grottes et cavités ariégeoises... Immergés jusqu'au cou dans ce bouillon néolithique, l'inspiration ne fut pas longue à venir nous chatouiller derrière l'oreille: si eux le faisaient, pourquoi pas nous? On s'est dit qu'on se devait de rendre un petit hommage à ces premiers pyrénéistes, en célébrant la dernière nuit de l'année dans une grotte, avec un bon feu de bois et un beau morceau de barbaque et les étoiles au-dessus de nos têtes!
Mais revenons à ce 31 décembre 2013, 14 heures. À partir d'ici, nos critères sont clairs et précis: la grotte doit être ouverte et non exploitée, ni touristique, non couverte de peintures rupestres inestimables, facile d'accès et - de préférence - inoccupée pour la Saint-Sylvestre. Facile. On en a une à portée de main, à 15 minutes du parking et avec une vue imprenable: la grotte des Enchantées de Calamès!
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le "château" de Calamès, tout simplement! |
Ah, Calamès! Une fois encore, ce château en ruine perché sur son quié débonnaire nous
réserve une bonne surprise. Toute une vie en Ariège pour ne le découvrir que si tard... Quand je pense que pour notre première visite (3 jours d'août sous une pluie battante avec Arnaud, à 3 dans la furgo sans pouvoir - ou si peu - toucher du caillou) nous
a pratiquement fait passer l'envie d'y retourner. Et c'est en train de devenir, peu à peu, lentement mais sûrement, notre site préféré dans la région: facile d'accès, bien exposé, des villages tranquilles et des points d'eau à proximité, des coins où se garer et passer quelques jours sans se faire emm... et de quoi occuper plusieurs vies de spéléologue! Enfin... après avoir ramassé
du bois, on va se garer au parking habituel - celui des grimpeurs - et on
attend que la nuit tombe pour gagner incognito l'entrée de "notre" tanière d'un soir...
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dernières lueurs du dernier jour de l'année, sur le roc du Sédour et les sommets au-dessus de Tarascon. |
Armés d'une vieille couverture, d'une côte de bœuf et d'une bonne bouteille de pinard (ainsi que de tous les à-côtés qui égayent traditionnellement une bonne grillade préhistorique: moutarde aux fines herbes, fleur de sel, poivre au moulin, pain de campagne, huile d'olive vierge et feuille de chêne), on fait le tour du propriétaire.
On allume un feu à l'entrée et on
commence à se réchauffer. On sonde l'obscurité, toute oreilles dehors, pour
détecter d'éventuelles sirènes de pompiers: rien. On tentera même une petite
incursion vers le centre de la terre: lampe frontale fatiguée, sandales
ouvertes et infiltrations d'eau après les pluies des jours précédents nous font
renoncer après une centaine de mètres, j'ai envie de dire "quand
même". On y retournera avec des moyens, c'est promis. La côte de bœuf,
épaisse et persillée, chante au-dessus des braises, le feu éclabousse la voûte
et les bougies à l'entrée du boyau donnent un air solennel au tableau. Orion
occupe le haut de l'écran, juste en face de nous, ce doit être le sud ou le
sud-est, et derrière nous, de l'autre côté de la vallée, la Grande Ourse
au-dessus de la crête sombre du Prat d'Albis, danse sur sa queue. Il y a étonnamment peu de bruit sur Tarascon et bien vite plus une voiture ne passe... Minuit arrive vite, nous prend presque par surprise. Et 2014 commence comme 2013 a fini: quelque part entre ici et aileurs, au milieu de nulle part, un peu hors des sentiers battus, en pleine nature et loin du tumulte et de la foule! Pourvu que ça dure...
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dans la grotte des Enchantées. |
Je me suis laissé prendre par le documentaire!
ReplyDeleteTrès bon!
Guillem