On quitte donc Nagasaki
comme on y est entrés: en stop! On ne s'attarde pas sur les péripéties des 2 longues journées et 2 nuits de camping sauvage(s) qui nous permettent de couvrir le trajet jusqu'à Fukuoka. On ne vous racontera même pas (ô, la prétérition à son pépère) cette mère de famille héroïque qui, nous ayant pris en stop sur son trajet de retour du boulot et apprenant où on va, avait appelé son mari depuis la voiture. Wallis avait rapidement tiré la sonnette d'alarme: "Attention Futuna, elle lui a dit truc truc des
gaijins / truc truc faire dîner les enfants! Y'a un lézard, faut faire quelque chose et viteeee!"
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Fukuoka d'en haut: vous voyez la baie avec des zones vertes et une ligne de train? |
Pendant ce temps, elle s'était garée devant chez elle, nous avait fait sortir de la petite voiture cubique, était entrée dans la maison une seconde, en était ressortie avec les clefs de l'autre voiture (la grosse, la berline) et son manteau. Elle nous avait dit en mime de sortir nos sacs de la petite voiture et de les charger dans la grosse, qu'on se mettait en route tout de suite, parce qu'il y avait presque 2 heures de route pour Fukuoka!
True story. Donc, bin, là on avait fait plein de gestes de la main, on avait répété
arigato gosaimasu en boucle comme un mantra, en faisant des courbettes et en reculant lentement, pour ne pas la blesser. Et comme on avait déjà les sacs sur les dos, on n'avait plus qu'à arracher ses doigts un par un de nos manches pour finalement s'échapper en demandant pardon et disant merci. Oh, mon Dieu! Cette culture de la responsabilité sociale est un peu flippante, quand même, des fois.
Voila, sans s'attarder sur tout ça (et avec toute la gratitude du monde pour cette générosité parfois assez gênante/envahissante), on finit donc par arriver à Fukuoka en train, tard dans la nuit, sales et fatigués. On ne sait pas où dormir et on a bien le contact de Shimon-chan, un ami Helpxer rencontré à Kumihama, mais il n'arrive en ville (chez sa grand-mère) que dans 2 ou 3 jours. À côté de la gare centrale, on a l'adresse de deux
Manga kissa*, ces cyber-cafés pour noctambules où on loue à l'heure une cabine privée avec futon, ordinateur et couvertures. Les boissons chaudes sont incluses (à volonté), tout comme l'accès à des cabines de toilette avec douche et - la base, quand même - à une collection de milliers de volumes de
mangas. Ça revient beaucoup moins cher qu'un hôtel pour pratiquement les mêmes services, c'est pittoresque et, sociologiquement parlant, c'est beaucoup plus enrichissant. On voulait de toutes façons cocher ça sur la liste des trucs à faire faits, comme le bain dans un
onsen sauvage ou la nuit dans un
love hotel kitsch - tous deux assez inoubliables, d'ailleurs.
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un sinkhole énorme en plein centre de Fukuoka, entre 2 immeubles et sans victime! |
Bref, on débarque à la gare centrale de nuit, crevés, sales et hagards. On voit un attroupement de gens qui font des photos avec leur mobiles depuis un balcon. On se dit "ils sont cons avec leurs selfies" et on passe notre chemin. Le Manga kissa est fermé. En fait, c'est carrément toute l'aile du bâtiment adjacent à la gare qui est fermée: parking, centre commercial, ascenseurs. Tout est noir. Des policiers nous font circuler: coupure générale d'électricité. C'est général. C'est une coupure. Circulez, y'a rien à voir! C'est bien notre veine. Heureusement (rappelez-moi d'allumer un cierge/bâtonnet d'encens à
Sainte-Wallis la prochaine fois que je rentre dans une église/un temple), on a l'adresse de l'autre Manga kissa à trois pâtés de maisons de là. C'est pas si loin mais de nuit, dans notre état et avec nos gueules, tout mis bout à bout, ça commence à devenir un peu dur comme comité d'accueil. Ce qu'on ne sait pas, parce qu'on n'a pas la disponibilité mentale pour le capter (certains appellent ça la
tunnel vision) et qu'on passe justement dans la rue d'à côté, à environ 50m, c'est que la coupure d'électricité et les
selfies depuis le balcon, c'est à cause de ça, là, sur la photo! Tu m'étonnes qu'il y ait eu une coupure de courant, du coup. Ce qui est dingue, c'est qu'il n'y a eu aucune victime et des dégats "minimes"!
Bon, d'accord: on a raté un truc énorme. On ne le découvrira que quelques jours plus tard, à la télé, alors qu'il sera déjà rebouché. Chapeau, les gars!
Un(t)raveling,
ou l'art de regarder ailleurs... Pendant ce temps, on arrive au
Manga kissa et on s'installe dans notre minuscule cabine: ça ressemble à une cabine pour se changer à la piscine sauf qu'au lieu du carrelage y'a un futon en synthétique et au lieu du banc en mélaminé gris chiné, y'a une tablette avec un ordinateur. À côté des bouilloires, quelques distributeurs vendent des snacks bizarres et des
noodle soups. Normal.
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côté droit de la baie, une marina avec un petit parc derrière un centre commercial... |
On va se doucher l'un après l'autre avant de consacrer une (petite) partie de la nuit à envoyer des mails et, surtout, à chercher un spot pour camper les jours suivants. Trouver le spot parfait dans une ville d'environ 1,5 million d'habitants, quand aucun Couchsurfer ne nous a répondu et que les rares
campgrounds sont vraiment loin à l'extérieur de l'agglomération (genre une heure de train au moins), c'est tout un art. Il faut savoir utiliser google maps et savoir écouter son intuition. En résumé, il faut avoir un peu de chance et un peu de flair. On survole l'agglomération, sachant qu'on n'a pas l'intention de "ressortir" de Fukuoka. On repère d'abord une baie avec de belles zones vertes et en descendant, on remarque qu'il y a une ligne de train de banlieue qui longe la côte. On zoome encore et on s'attarde sur un petit parc bien boisé, qui paraît assez "isolé" derrière une marina, au fond d'une zone qui semble commerciale (entrepôts, boutiques, etc.). On descend encore, à hauteur de mouette ou même directement avec la
street view (merci Google!). Et là on se dit qu'on va tenter le coup en
live dans les bosquets du petit cap tout à la pointe de la marina. Hop!
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la vue depuis "notre" petit cap, tout à la pointe, derrière un petit temple shinto, en s'éloignant un peu d'un sentier déjà à moitié effacé... |
On prend le bus jusqu'au grand centre commercial, où on fait quelques courses d'alimentation, où on visite une boutique Lego et où on regarde un peu des fringues et des trucs, malgré nos sacs à dos. Puis on gagne la marina, qu'on contourne pour entrer dans un parc propret avec des plages équipées de douches, des tables de pique-nique à l'ombre de grands pins, des wc impeccables et, tout au fond, sur un promontoire accessible par une trace de sentier à pas visible entre les racines des pins, un temple Shinto qui a l'air à moitié abandonné. Le sentier continue derrière jusqu'à la falaise, plutôt à pic, avec une vue incroyable sur la mer. Plein ouest, le soleil est encore assez haut mais la lumière change déjà. On a toutes nos affaires avec nous, le camping-gaz, la tente, les sacs de couchage, de l'eau, de la nourriture. Personne en vue: on a la fin de la journée pour nous.
On pose les sacs derrière le temple, même pas besoin de les cacher. On se promène en explorant un peu les environs, et on trouve une petite clairière en retrait du sentier, couverte d'aiguilles de pins, invisible depuis le temple mais ouverte sur la mer. Bingo! On décide donc de redescendre aux toilettes pour un peu d'hygiène avant de préparer le dîner tant qu'il fait encore jour. Ensuite on ira monter la tente et se glisser dans les sacs de couchage. Une règle d'or pour le camping sauvage en milieu pas tout à fait naturel, c'est de monter la tente de nuit et de tout remballer avant le lever du jour. Les nuits sont courtes, mais on a moins de chance de déranger ou de se faire déranger... On passe deux nuits paisibles dans notre super spot de bivouac, en profitant d'une pause bien méritée au milieu de la ville, pour se reposer et ne pas faire grand-chose. Un petit saut au centre commercial pour un peu de wifi, histoire d'établir le contact avec Shimon-chan et de programmer des retrouvailles. En résumé: temps ensoleillé sur les deux petites plages du bout du cap, beaucoup de tranquillité aux abords du temple où l'on passe du temps sans voir personne (à part quelques rares promeneurs et joggeurs)... et pas mal de chance avec ce plan improvisé qui se goupille super bien! Le lendemain soir, après avoir parlé avec Shimon-chan au téléphone (et quel téléphone, les enfants! Voyez plutôt l'engin: dans les années 80 en France, quand on parlait le téléphone rose, c'était en chuchottant et/ou en rougissant...), on se retrouve dans le quartier de la gare pour une soirée ramen assez... riche, puis pour quelques jours de découverte avec lui. Mais ça, c'est une autre histoire!