Wednesday, October 8, 2014

Qui s'y ponce, s'y fronce et qui s'y pionce, s'y gonce!

 (et non l'inverse…)

On arrivait des Gorges du Verdon, tout frais sortis d'Afin que nul ne meure, l'aérienne et l'aérée (lire le post (en espagnol) ici). Repus et réchauffés par un déjeuner au soleil, on entrait en seconde dans la rue principale de S., avec la ferme intention d'y faire discrètement le tour du propriétaire. On avait repéré, déjà, à main droite juste avant le panneau, la maison du rat bleu exhibant sans pudeur ni bardage son ossature bois de type plateforme - non seulement aux quatre vents, mais aussi (surtout?) et sans distinction, aux mâles et aux femelles du canton... Gare au Grégoi-a-a-a-are!

Colchiques dans les prés, fleurissent fleurissent...
Ça tombait bien, on venait ici pour elle, avec deux semaines pour couvrir sa nudité d'un bon pull de laine de bois pour l'hiver et d'une jolie veste en fibre de bois enduite à la chaux (et à la main). Plantée sur une petite butte au-dessus de la route, elle invitait à s'arrêter et donner un coup de main. À quelques kilomètres du bourg de F., le petit village de S. sentait la Provence à plein nez: petites maisons en pierre jaunie par le soleil, petite église avec cloche en cage du plus bel effet, petites claires fontaines au glou-glou mé-élodi-eux, petits figuiers alanguis çà et là par la tiédeur qu'exhalaient les pavés… Un rêve (à peine) éveillé de la sieste, sauf que... les rues n'échappaient pas non plus à cette version Giono du small is beautiful: elles aussi étaient petites et follement romantiques. Les rétroviseurs du TRANSITion avaient perdu toute timidité, frôlant déjà de près les murs comme s'ils fussent de vieux amis. Un art raffiné de la distribution des sens uniques - qui n'était pas sans rappeler le génie créatif dont faisaient preuve (et nul doute qu'ils auront continué) les responsables de la voirie dans le quartier barcelonais de Gracia - nous faisait tourner à angle droit dans des rues de plus en plus étroites, aiguillonnant sans pitié nos plus vives cicatrices de tourisme en Aragon… On venait non sans quelques suées de déboucher en face de la mairie/bureau-de-poste/antenne-butagaz/relais-la-redoute, qui signait notre retour sur la départementale desservant le village, quand on a entendu une voix derrière nous: "Ah bin, c'est bien! Comme ça, vous avez fait tout le tour du village! Voilà…". Un vieux joueur de pétanque édenté nous souhaitait la bienvenue à sa façon, c'était mort, on était repérés.
Le skyline de S., au couchant.
On s'est donc garés au plus proche et on est entrés dans le bar du village, juste en face de la mairie (etc.) où l'on a demandé (au bar, pas à la mairie) deux verres de vin et s'ils avaient du wi-fi pour notre ordinateur. Stupeur! Tout comme la charmante vieille dame du gîte à S. - mais un autre S., une semaine auparavant - la patronne nous a regardé genre "einñññ?" avant de répondre "2 verres de vin et 1 whisky, c'est bien ça?". Une tenancière de PMU dans la deuxième fleur de l'âge nous souhaitait la bienvenue à sa façon, c'était mort, on était repérés.
On a fait genre qu'on lisait le journal un peu et puis on a sorti l'ordinateur et on s'est mis à trier les photos des futurs régimes Dolo-mythiques. (C'est que c'est du boulot, hein, faut pas croire. Faut du temps et de l'amour… fin de la parenthèse). En 10 minutes on avait 3 pétanquistes couperosés affiliés à la Confrérie des Taste-Ricard qui commentaient les photos à voix haute depuis leur perchoir juste derrière nous à leurs compagnons du Très Haut Ordre Secret des Buveurs de Perroquets restés en terrasse avec les leurs (de perroquets). Le conseil municipal nous souhaitait la bienvenue à sa façon, c'était mort, on était repérés.
Dame araignée, dans sa toile emmêlée, tenait dans son bec un soulier.
On a donc fini notre vin en discutant un peu avec les moins farouches, on a fait un saut aux toilettes pour y faire la connaissance de la seule araignée qui s'est pris les pieds dans ses lacets avant de s'emmêler les pinceaux dans sa propre toile, puis on est partis à la rencontre de nos hôtes. On était déjà rassurés de penser que notre présence ici ne susciterait plus aucune curiosité: on avait crevé l'abcès dès le début: la mystérieuse fourgonnette espagnole et les deux qui allaient descendre puis remonter la rue principale une ou deux fois par jour au cours des deux semaines suivantes étaient déjà identifiés, soupesés et emballés, puis étiquetés et rangés soigneusement sur l'étagère correspondante dans l'imaginaire social du village. On est donc arrivés chez G., I. et leurs enfants M. et E, où l'on a garé notre maison sur le parking devant la leur pour deux semaines. Notre backyard, c'était une petite rangée de vigne qui nous a donné chaque jour du réveil au coucher, des grappes dorées et cuivrées meilleures les unes que les autres. Un grand petit luxe! On a très bien mangé et très bien bu, la cave de G. et I. étant celle que l'on peut attendre de deux enfants de la Gironde. On a été gâtés, il faut bien le dire… Mais on était là-bas pour travailler, donc autant entrer dans le vif du sujet:

Le projet d'auto-construction de G. et I. est une maison à ossature bois de type plateforme, à un étage et d'une surface au sol de 45 ou 50 mètres carrés. Apparemment, cette technique est l'une des (sinon la) plus populaire(s), en raison d'une relative simplicité de mise en oeuvre, d'un très bon bilan énergétique et d'un coût avantageux. À la dalle en béton, on fixe une double lisse basse (de 40x140 chacune) qui recevra les montants de tous les murs porteurs. Ils ont la même taille que la lisse (40x140), mesurent toute la hauteur de l'étage et sont espacés de 60 cm au maximum.
Une fois la laine de bois posée entre les montants, on couvre la façade de panneaux en fibre de bois. Hop!
Ils sont doublés autour des ouvertures et renforcés dans les espaces sous les fenêtres. Ils reçoivent une lisse haute sur laquelle reposent les solives du plancher de l'étage. De là, une nouvelle lisse basse reçoit les montants des murs de l'étage selon le même principe. C'est clair jusqu'ici? Bien. On continue: Les montants sont ensuite contreventés à leur face intérieure par des panneaux en OSB de 16mm ; les coffrages ainsi formés entre les montants sont garnis (à l'extérieur) de panneaux isolants en laine de bois. Ils sont eux-mêmes couverts par des panneaux rigides en fibre de bois qui seront protégés par un film pare-pluie et finis avec un enduit à base de chaux, le bardage traditionnel étant interdit par les canons locaux de l'urbanisme à la lavande. Notre travail a d'abord consisté à renforcer des trucs ici et là, principalement le contreventement et la liaison dalle-murs en découpant, vissant et clouant des feuillards à la base des montants. Puis assez vite, on a attaqué la pose de l'isolant: de gros matelas de laine de bois à recouper et pousser en force dans l'épaisseur des murs. Dans un contre la montre épique avec les pluies orageuses qui s'annonçaient, on a progressivement couvert en panneaux de fibre de bois mortaisés et vissés, les murs est et nord qu'on venait d'isoler.
Le monstre de la plaque de plâtre veut un bisou (désolé).
Puis on s'est attaqué aux façades sud et ouest, toujours en parfaite synchronisation avec le soleil, ce qui fait qu'on s'est brûlé les épaules et les nuques comme d'authentiques touristes… La partie la plus rigolote du travail, c'était sans doute de bien caler l'échelle sur un terrain non stabilisé et de trouver où l'appuyer entre les montants, l'OSB, la laine de bois et les huisseries. Un peu de vent, des outils plein les mains et le stock de vis fiché dans la bouche: on ne s'est pas ennuyés. Mais en 5 grosses journées, la maison a changé de peau et quand ça se voit, ça fait plaisir. On a aussi préparé un faux plafond sous le faîte du toit, sur des liteaux suspendus à l'aplomb de la charpente (malheureusement on n'a pas fait de photos...). On l'a isolé* et on y a mis en place les tuyaux en PVC pour l'entrée, la sortie et le circuit de la VMC, avant de finalement poser les profilés pour les plaques de plâtre (* le toit est isolé en bottes de paille et la ligne faîtière constitue un faible pont thermique). Ouf! Ça fait, on est retournés au rez de chaussée pour s'occuper de la pose des profilés et des plaques de plâtre dans le salon et la salle de bains: passage de gaines, trous de prises, d'appliques, d'interrupteurs, bouchage des ponts thermiques autour des ouvertures et contrôle de l'étanchéité à l'air le long de toutes les coutures! On n'a pas chômé mais on a eu le plaisir de laisser, comme avec les enduits intérieurs/extérieurs à Clémencelle, une trace et un résultat qui se voient...
Retour au rez-de-chaussée pour l'opération placo: salle de bain (placo vert) et petit bureau/chambre du fond (placo blanc).
Bon, on a aussi pris un jour et demi en milieu de séjour, pour souffler et aller escalader à Volx, un site de couennes réputé à deux pas de Manosque. On a donc disparu le temps d'un lundi-mardi, que l'on a passé sur le parking d'un lotissement de résidences secondaires au pied des falaises, à regarder quelques films en VO et la pluie par la fenêtre. On a très bien mangé et beaucoup dormi, comme disait l'autre "c'est qu'on en avait b'soin". Et puis, quand ça veut pas, ça veut pas… En quittant S. et notre famille adoptive de la maison du rat bleu, on a flâné un peu entre les platanes fatigués et les trésors fanés du vide-grenier annuel. Il y avait déjà des relents d'automne dans le beau soleil de midi, qu'on a chassés avec du fromage de chèvre, du vrai pain de campagne, des tomates et un melon - accompagnés d'une ou deux rasades du délicieux Moulis que G. et I. nous avaient donné en souvenir. Alors, elle est pas belle la vie? Hein? Hein?
* On en a bu une autre bouteille avec les parents de Futuna quand on les a croisés en Camargue,
mais schhht! c'est une autre histoire

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