Friday, August 12, 2016

Jusqu'au bout du monde (5 sur 8)


Moscou: les murs auraient-ils des oreilles?

Résumé de l'épisode précédent: la nuit a été courte; le passage de la frontière, brutal; le comité d'accueil, peu engageant. Pour rester dans le ton, le petit matin nous gratifie d'un froid pas tout à fait de saison en ce début août, servi avec sa garniture de gris monotones de l'autre côté de la fenêtre embuée. Ciel couvert et plafond bas au-dessus du béton. Bref: un trois huit triste comme les pierres.

"avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu [et] qu'il faut lui pardonner..."
Quand le train nous vomit finalement, encore chiffonnés de la nuit et quelque peu incrédules, sur le quai de la gare Rizhskaia, on se retrouve sous l'entrejambe humide d'une bretelle d'autoroute, devant l'orifice béant d'un échangeur souterrain, dans l'haleine tiède d'une bouche de métro: soudain, on est à Moscou. Pas un rouble en poche, pas l'ombre d'un ATM en vue et pas moyen d'acheter de tickets de métro avec une carte bleue: on se dit que l'Aventure, la vraie (celle qui va, comme on dit, avec un grand A), ne fait que commencer. Et on se félicite d'avoir, la veille - avant de quitter l'UE et perdre définitivement l'internet gratuit de notre forfait (c'est pas pour faire de la pub à un fournisseur qui est ailleurs loin d'être irréprochable, mais il faut bien reconnaître que ses Pass'Destination sont pratiques) - cherché par précaution les distributeurs automatiques de billets des environs juste au cas où, et taché de mémoriser l'emplacement de deux d'entre eux. Voilà donc Wallis seule, assise sur le perron de la gare, flanquée de deux sacs à dos plus gros qu'elles, mal réveillée et à la merci de tout et n'importe qu(o)i. Voici donc Futuna, hagard, parti en quête d'une machine à sous où il pourra à loisir avoir l'air d'un touriste tout frais débarqué, se faire agresser, racketter, détrousser et probablement éventrer avec le cul d'une bouteille de vodka. Bienvenus au pays merveilleux des Pokemon! Ne passez pas par la kal-khaze départ, ne recevez pas vingt mille roubles. Fin de la partie.
voyage au centre de la terre, version moscovite non sous-titrée

Quinze minutes plus tard, pourtant, non sans avoir essuyé les regards méfiants de quelque vieille à teckel et chignon (c'était bien la peine de venir jusqu'ici pour tomber sur les mêmes qu'au marché de Gourbit-lès-ploucs, Haute-Ariège, soit dit en passant), il est de retour sans encombre, presque déçu de n'avoir rencontré ni difficultés particulières, ni moujiks à chapka. Dans sa poche poitrine, un seul gros billet: l'équivalent d'environ 200 fois le prix du ticket de métro. Zut alors! S'il y avait un bouton "petites coupures" sur le DAB, il ne l'a pas vu. Ce que c'est que d'être analphabète fonctionnel, tout de même! "Qu'à cela ne tienne - s'exclame Wallis en froissant machinalement le gros billet entre les doigts de sa main gauche pour voir si, comme une page de l'Huma, il y imprime sa marque à l'encre rouge et noire... on va demander de la monnaie au guichet, ça nous fera un sujet de conversation avec l'aimable préposé(e) du métro qui se fera un plaisir de nous aider, les oiseaux siffleront l'Internationale, la kolkhozienne au sein et à la gerbe de blé triomphants nous invitera à danser une mazurka dans la rame: en un mot, la Russie nous recevra avec l'emphase qu'on lui connait, tout sera beau et les lendemains chanteront dès aujourd'hui!"... En théorie, peut-être. Mais en Russie: la machine à tickets de métro n'accepte que les petites coupures, la préposée est visiblement exaspérée par le fléau galopant de l'analpha-bêtise fonctionnelle des cargaisons de touristes que lui déverse quotidiennement le Riga-Moscou et, en 2016, la Kolkhozienne doit se déplacer avec Über. Après avoir manqué se faire lyncher par un gars qui ressemble à Pikachu, avec des bras comme mes cuisses et qui trouve visiblement que prendre le métro avec de gros sacs à dos, ça ne se fait pas et que les taxis, c'est pas fait pour les chiens; après s'être un peu perdus et beaucoup émerveillés dans les cathédrales souterraines du метрополите́н (Lombrives! Lascaux! Padirac! Vous pouvez prendre vos rupestres gribouillis et vos stalactrucs pour aller les pendre à un cintre dans vos placards, parce que pour ce qui est de la spéléologie grandiloquente, le métro moscovite se pose un peu là...); après avoir manqué un tram et pris quelques couloirs à contre-foule, on est finalement devant la bouche de métro d'O. avec une bonne heure d'avance pour le rendez-vous fixé par A., notre hôte Couchsurfing des trois prochains jours.

"tu marches tel un robot dans les couloirs du métro" peut-être, mais quelle classe!
A., la trentaine, travaille pour le bulletin culturel (cinéma et théâtre) de deux magazines en ligne, vit avec ses parents dans un petit appartement avec vue sur le parc d'Отрадное et adore la culture française: le Moulin Rouge, le Festival de Cannes, le Fabuleux destin d'Amélie P... Elle a aussi et surtout le mérite d'avoir appris le français en autodidacte: toute seule, en regardant les épisodes d'Hélène et les garçons sur Youtube (si vous avez la chance d'avoir oublié ou d'être né après, HELG c'était ça). Aaaah! La culture française c'est comme l'astronomie: regarder loin, c'est regarder dans le passé. Et la lumière qui nous éclaire est celle d'étoiles mortes il y a longtemps déjà. Ô, fossiles de dinosaures, que sont vos plumes chatoyantes devenues? J'arrête, j'en fais trop, on dirait du J.-C. Ameisen. Bref... Non seulement elle apprend le français tout seule, mais en plus avec des supports pédagogiques qui ne doivent pas lui faciliter les choses. Ceci dit, c'est agréable pour nous de pouvoir parler français et A. est ravie de pouvoir pratiquer un peu la langue des Misérables - son roman préféré. Quand on lui dit que le nôtre, c'est peut-être bien Le maître et Marguerite, elle manque s'étrangler. Et quand on lui offre le roman de Boulgakov (L'oeuf du destin, oeuvre de science-fiction satyrique, grinçante, hilarante et terriblement moderne) que, justement, on a trouvé dans la rue à Berlin en édition bilingue français-russe (coïncidence!), elle le tripote nerveusement et finit par plus ou moins caler le pied du lit avec. Elle nous expliquera plus tard que c'était un provocateur et un ennemi du peuple... Oua Oua Oua Ouaaaaa.

la main de Youri, où d'enthousiastes patriotes viennent se frotter le crâne; le Vladimir Ilyich guidant le peuple sur la Voie lactée du bonheur!
Mais comme elle est A.: Accueillante!, elle nous fait quand même tout un tas de suggestions de choses à voir et à faire. Et comme elle est A.: À temps partiel!, elle nous emmène (même) visiter le très beau Monument (populaire) à la gloire (soviétique) des héros (prolétariens) de la conquête (socialiste) de l'espace (par le peuple), qui jouxte le parc panrusse des expositions aux pavillons nationaux plus kitsch beaux les uns que les autres, un aquarium municipal tout neuf et la célèbre statue de l'Ouvrier et la Kolkhozienne* qu'on ne présente plus. Il fait soleil, presque chaud et tout va pour le mieux, quand soudain...

...au détour du pavillon de l'Ossétie, entre un avion de chasse et un vrai Sputnik® désacralisé,
un agent du renseignem (pardon!) employé du Ministère du Tourisme et des sales espions étrang (euh non!) Visiteurs, nous tombe dessus par hasard et nous pose de façon informelle les 96 questions d'un interrogatoi (oups!) d'une enquête visant à ficher (lapsus!) à mieux connaître "nos amis occidentaux de passage à Moscou". Le ton de la conversation est dé-ten-du et les questions, a-no-di-nes (par quel vol êtes-vous arrivés? à quel hôtel êtes-vous descendus? quel est votre relation avec cette citoyenne? combien d'argent avez-vous l'intention de dépenser par jour? avez-vous l'intention de visiter ce site à nouveau durant votre séjour? si oui, combien de fois? etc. Ces questions sont hélas authentiques et nous n'inventons rien!). Il se fâche un peu quand Futuna (qui avait déjà menti sur son prénom et sa date de naissance, sans doute par réflexe) refuse de lui communiquer ses mail et numéro de téléphone. Le flic en civil (oh, je l'ai refait!) stagiaire du Ministère nous explique en sanglotant que son supérieur en a besoin pour nous mettre sur écou (décidément!) contacter et vérifier que l'enquête a bel et bien été effectuée dans les règles... Sans ça, il peut la jeter aux cabinets et son effort n'aura servi à rien. En plus, il est sous-payé. Snif!

"era rusa y se llamaba Laïka, ella era una perra muy normal"; Youri reviens, You-ouri reviens, Youri reviens parmi les tiens...
On s'excuse platement et on file sans demander notre reste, faire des photos du sublime monument à Youri Gagarine et la chienne Laïka, où l'on voit bien le Vladimir Ilyich guider de son bras tendu le peuple et les savants sur le chemin pavé d'étoiles du savoir et des missiles balistiques du bonheur pour tous! Bon, c'est un bien beau parc avec de bien beaux monuments, on n'a apparemment pas été suivis, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, rien à dire. La journée se poursuit donc - puis s'achève - dans la douce quiétude d'une apaisante routine: on chasse quelques sangliers que l'on cuisine pour le dîner, on chante et danse autour du feu, on ligote le barde. Plus tard Hélène, Cathy et Johanna nous rejoignent à la salle de répète et on finit tous à la cafète de la fac, à boire des jus d'orange avec de petits parasols dans les verres... Voilà!
ce somptueux décor de conte de fées abrite un authentique... piège à cons. Si si!

Le lendemain, enduits d'erreur - comme disait David O. - par la lecture de blogs stupides écrits par des #digital nomads nords-américains désespérément en quête de clics pour financer leur airBnB hipster dans une ville à la mode ou leur coworkation exotique du Sud-Est asiatique, on part visiter le (soit-disant) "meilleur marché aux puces de Russie" (sic.). Bon, quand on est con, on est con: ce genre de promesses n'engagent que ceux qui les croient. Alors bien sûr, rendus là loin de tout, au milieu de nulle part, en voyant le Hummer Limo hyper vulgos garé devant un grotesque parc d'attractions en carton-pâte et alentour, les vingt mecs en train de re-souder à toute vitesse d'authentiques vieux morceaux du rideau de fer et de peindre à la hâte des places de parkings sur du bitume encore mou, on commence à flairer l'embrouille... Un authentique marché aux puces? Un vrai piège à cons, oui! À l'intérieur, il n'y a que nous et un autocar de Chinois (c'est une métonymie, évidemment: l'autocar est garé dehors, pas loin du Hummer; c'est le contenant. Avec nous, il n'y a que les Chinois, à pied; le contenu, donc). "Pas bon signe, ça", conclut Wallis avant de se frayer un chemin, déterminée, entre les selfie sticks brandis tout au long du hall. En fait de super marché aux puces méga-authentique, on erre entre les allées d'une espèce de supermarché de noël tout en isbas préfabriquées façon Ikéa. Dieu merci, ça n'ouvre pas avant 18 heures et on peut repartir, jurant mais un peu tard etc. On aura perdu une précieuse matinée, mais pas notre dignité.

au hasard des galeries du légendaire Métropolitain (museum of art?)
On est en colère, on a la haine, il va y avoir du sport! En guise de représailles, on prend un métro direct pour la Place Rouge et c'est à peine si on s'arrête pour admirer les partisans de la sculpture éponyme: il faut dire que le métro est tellement beau, merveilleux, luxueux, riche, impressionnant, qu'on ne sait où donner de l'appareil photo et que pour un peu, on y passerait nos vies - comme la bande à Reno (Anglade, Adjani, Wilson et cie) à l'époque...

"La place rouge était vide", chante l'autre. Sans blague? Non mais, et puis quoi encore? Et Nathalie, elle bat le beurre? Y a-t-il seulement mis les pieds, sur la Place Rouge, le Gilbert? Sans déconner: dans quel univers parallèle il l'a vue vide, sa Place Rouge? Elle est noire de monde! C'est d'ailleurs en voyant la queue pour aller rendre hommage à la momie de Lénine qu'on a compris d'où leur vient cette infinie patience, aux Russes, dans la queue de la Moreneta, à Montserrat. Trois plombes debout par tous les temps pour trois secondes d'intimité avec une relique sacrée, et ceux de devant qui ne veulent pas laisser la place et ceux de derrière qui te poussent déjà dehors. Au moins, depuis Montserrat, on peut voir la mer... Sinon, c'est très beau: Saint-Basile, le Kremlin, le cœur de l'Empire, le centre du monde, la boutique Louis Vuitton, tout ça. Très très beau. Si on ne fait pas une fausse-route en essayer d'avaler des contradictions taille XXL, c'est grandiose. Mais on y reviendra...

380º de Place Rouge; Wallis & Futuna en mode selfie; deux kolkhoziennes 2016: chics et naturelles; le mausolée de Vladimir Ilyich.
Sinon, Pour vous le faire un peu en accéléré: on a aussi marché au hasard dans les rues du centre; acheté un magnet de frigo à l'effigie de Pikachu, le monarque tout-puissant des Pokemons, pour offrir et parce qu'on pensait que nos amis du Ministère seraient contents de le trouver dans nos bagages à l'occasion d'une fouille; arpenté la Sadovaya, le quartier d'Arbat et les étangs du Patriarche sur les pas du -aître (chacun y mettra, selon ses convictions, qui un m-, qui un tr-) Boulgakov, dont on a même visité la maison; vu et pris en photo - comme de bien entendu - une quantité (g)astronomique de basiliques orthodoxes aux bulbes indigestes; acheté de bien jolies cartes postales, cherché en vain des timbres et fait plein d'autres trucs pas vraiment glorieux ni glamour, mais qu'il faut bien faire en voyage même si on en parle assez peu dans les blogs et les dépliants touristiques: comme dit si bien J.-B. (au vent mauvais): les super-héros aussi y vont, aux cabinets...
le (fameux) bar-lachnikof annonce la couleur: "we're OPEN" (-minded?)

On a par exemple et dans le désordre: fait des courses; mangé des sandwiches faits maison sur un banc; cuisiné une bolognaise au thon, cherché une laverie; fait le plein de soupes de nouilles déshydratées pour le train. On a même répété le trajet en métro jusqu'à la gare Yaroslavskaia la veille du départ - intentionnellement! - pour en vérifier la durée, être sûrs que c'était la bonne gare, que s'il y avait une chance de se perdre on ne le ferait pas le jour J, etc. Oui! Un(t)raveling c'est aussi ça et on est aussi ce genre de personnes. Voilà. Ça fait du bien de le dire.

Après cette confession désarmante et humiliante dans le plus pur J.J. Rousseau-style, on n'a plus grand-chose à offrir et on va donc se quitter - jusqu'à la prochaine fois, évidemment. Mais avant, on va parler un peu des trucs qui tâchent, quand même. Et des trucs qui fâchent aussi, tiens. Tant pis pour la censure qui va s'abattre sur ce pauvre blog comme les mouches sur un Livarot en plein juillet. On a pourtant essayé de remettre ce post cent fois sur le métier, de le polir sans cesse et le repolir. Las! Chassez la vérité, elle revient au galop, un peu à la manière d'un aïoli après quelques heures de digestion. Si on disparaît sans laisser de traces, c'est que Pikachu nous a pris et qu'on est prisonniers d'une Pokeball quelque part en Sibérie... Gotta catch 'em all! Allez, ça commence à bien faire les boniments: sérieusement, il y a un ou deux petits trucs à dire sur cette ville, même en y passant seulement trois jours, même sans parler la langue ou en communiquant dans celle d'Hélène et les garçons... Même, même, même...

cherchez bien: même là où l'on ne l'attend pas, Vladimir nous montre le chemin!
D'abord, il y a dans l'air une contradiction colossale: celle du grand écart entre l'immense nostalgie pour la grandeur de l'Union Soviétique et l'immense nostalgie pour la grandeur de la Russie des tsars. Comme si l'antagonisme historique et idéologique entre les deux n'était pas total. Dans un coin du ring, la grandeur passée de l'Union Soviétique. On trouve l'effigie du camarade Vladimir Ilyich guidant le peuple partout, toujours et en tous lieux (sur le papier, dans le marbre, au sol et au plafond, dans la rue, sous-terre, sur les packs de lait, souvent au prix d'anachronismes tonitruants) mais jamais celle des camarades Joseph, Nikita ou Leonid - étonnamment - dont les images et les noms ont disparu de l'imaginaire collectif et du paysage. C'est amusant, parce qu'ils représentent à eux trois une soixantaine d'année au timon de la grande Union Soviétique, quand même. Cette grandeur s'étend de la Mongolie (incluse!) à l'Ukraine (inclus!), mais aussi aux pays Baltes et évidemment à la Pologne ou la République tchèque (tous inclus! allez le leur dire, ça va leur faire plaisir...). Entre URSS et CEI, on dirait que la mère Russie a le syndrome du nid vide. Expos photos géantes en pleine rue à l'appui, les espaces sauvages d'Azerbaïdjan ou du Kazakhstan font partie du patrimoine panrusse, tandis que les souvenirs émus du "bon vieux temps" sont régulièrement dépoussiérés et remis au goût du jour. Dans le coin opposé du ring, on ne présente plus la grandeur de la Russie tsariste. Elle s'incarne dans ce fantasme intemporel de "l'âme russe". Élégance, passion, goût raffiné pour la gastronomie, les arts, la littérature des Tchékov, Dostoievski, Tolstoi (voire Boulgakov) ou la musique des Tchaikovski, Rimski-Korsakov, Prokofiev et Stravinski. On les évoque volontiers dans un soupir, de préférence en chancelant, les yeux humides et une main sur la poitrine... indépendamment du sort que le Tsar ou le Parti leur réservât à l'époque, d'ailleurs.
au détour d'une rue du très posh Arbat, la Kolkhozienne... collection été 2016.

Vu d'ici, en ce début de XXIème siècle, il est apparemment facile de regretter la pan-, la grande, la mère Russie: indifféremment blanche et/ou rouge. Comme si la transition, il y a un siècle, s'était faite en douceur! Comme si leur autre dénominateur commun, au-delà de cette regrettée grandeur, n'était l'agonie de presque tous au bénéfice exclusif de quelques-uns. Tout ça pèse visiblement bien peu au regard de l'oeuvre accomplie. Cette fierté d'être LA grande nation, celle des 10.000 km, celle qui s'étend de la Méditerranée au Pacifique: la troisième Rome (!!!) comme on l'appelle ici, repose sur des motifs qui ont au mieux quarante ans, souvent un siècle (ou deux). On nous apprend par exemple que beaucoup de jeunes "veulent étudier l'astrophysique pour suivre les pas d'un Gagarine"... qui nous a quittés en 1968. En définitive, tout le Moscou que l'on célèbre et que l'on glorifie est au passé composé et au plus-que-parfait; un passé re-composé et plus encore que parfait, un idéalisé. Mais alors, et le présent dans tout ça, qu'est ce qu'il devient? Les temps changent, le discours officiel et les valeurs dominantes aussi. Il y a dans l'air une fascination décomplexée et (un peu) vulgaire pour l'argent, le luxe, l'ostentation. Voitures et bijoux s'exhibent dans la rue et s'exposent dans les showrooms Audi et Vuitton, à un jet de pierre (précieuse) du mausolée de Lénine. Comme si le fric-roi était la solution à tous les problèmes - problèmes de mémoire compris. Comme si on ne crevait plus de faim ni de froid d'un bout à l'autre de l'Empire. Une nouvelle profession de foi et hop! rien n'a changé mais tout est différent, comme par magie (-lbert Bécaud?).

un p'tit slogan valant mieux que de longs discours: la sensation c'est un peu...
Pour embrasser du jour au lendemain le capitalisme le plus cynique et le plus décomplexé, il a fallu une révolution sans doute moins bruyante mais sûrement pas moins violente que celle qui a remplacé, il y a juste un siècle, la grandeur blanche par la grandeur rouge. De quelle couleur est la nouvelle grandeur? Bleue comme la troisième bande du drapeau? On sait pas. Mais "on" nous a dit que Pikachu a eu le mérite de savoir, comme personne, "recoudre tous ensemble les morceaux de l'histoire". Tous, sauf ceux qui n'étaient pas assortis, of course. Sa capacité à reconstituer la continuité historique dans l'imaginaire du pays (à réécrire l'histoire?), "voilà le secret de son succès et de son unanime popularité!", comme nous l'ont expliqué nos analystes locaux dignes de foi. Il semblerait que Make nom pays great again! soit en train de devenir le slogan de l'année 2016 et on n'est qu'en août...

Du coup, et parce qu'à un moment, il faut conclure: le lendemain matin de bonne heure, après une nuit de sommeil réparatrice, on a mis nos sacs sur nos dos (chacun le sien), on a fait des bises à, et une photo souvenir avec, notre hôtesse A. (elle avait un joli nom, not' guide!), on a refait le trajet déjà exploré la veille jusqu'à la Yaroslavskaia où l'on a tendu, émus et tout excités, avec des frissons plein les jambes et des provisions lyophilisées plein le trolley, nos passeports et nos billets au contrôleur de la voiture 12 d'un train 002 "РОССИЯ" à destination d'un premier bout du monde: Vladivostok. En voiture! Et on vous raconte ça très bientôt!




* à propos du monument l'Ouvrier et la Kolkhozienne, Wikipedia nous apprend qu'il fut créé par l'artiste russe Vera Ignatievna Moukhina en 1937 et devint le symbole du « réalisme socialiste » soviétique.
De style Art déco, le monument se compose de deux figures : une femme (la kolkhozienne) et un homme (l'ouvrier), brandissant respectivement la faucille et le marteau, symboles communistes des deux branches du prolétariat (l'agriculture et l'industrie).
Haute de 25 mètres et pesant 80 tonnes, cette sculpture monumentale fut construite spécialement pour l'Exposition universelle de 1937 à Paris, où elle surmontait le pavillon de l'Union soviétique.
Elle se trouve actuellement au nord de Moscou, non loin de la station de métro VDNK et de l'hôtel Cosmos, à l'entrée du Centre panrusse des expositions, sur l'avenue Prospekt Mira. Voilà.




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20 francs le kilo

Notre section spéciale (hashtag 20 francs le kilo) pour tous les fans de comptes, les stressés du budget (serré) et ceux qui seraient piqués par la curiosité - ou par le virus - du voyage sans avion(s)... Ils trouveront donc ici et dans cet ordre: la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (arrondie, sans virgules et avec parfois quelques oublis mineurs et fortuits, il est vrai). Mais dans les grande lignes, voilà ce que ça donne :

 - Moscou intra-muros (bus et métro, sans pass ni abonnement): (qsp. 2 personnes, 3 jours) 50 euros; hébergement Couchsurfing (2 nuits).

Soit environ 8 euros par personne et par jour - en marchant pas mal, faut l'avouer. Aucune idée en revanche du coût au kilomètre, même approximatif!


le fameux Hummer Limo que l'on n'a malheureusement pas eu l'occasion d'essayer...

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