Tuesday, April 26, 2016

Baignoires: les re-rencontres du troisième ti-type.

On ne sait plus qui disait (parait que c'était Futuna, mais si quelqu'un de plus illustre, respectable et respecté l'avait dit aussi, ça aurait donné un peu plus de poids à cette assomption: un prétentieux syllogisme de la mer Thume, un bon vieux Dirty Harry ou un Sir Edmund Hillary estampillé sans assistance respiratoire, en auraient jeté un peu plus, c'est sûr...), qui disait, donc: qu'à l'instar des corps célestes - qui flottent et filent dans le vide inter-galactique, séparés de plus en plus et toujours plus par l'expansion constante et vertigineuse de l'univers -, des amis qui ne se seraient pas engagés dans un processus actif, mutuel et réciproque de rapprochement, tendraient inéluctablement à s'éloigner les uns des autres?

collision entre deux corps célestes ayant su contrecarrer les effets 
délétères de l'expansion universelle sur l'amitié (image d'archives).
N'y voyez pourtant aucun fatalisme, c'est une application peu directe et pseudo-rigoureuse des lois de la physique, façon vulgarisation à la grande soupe quantique post-moderne: l'idée d'expansion implique que du vide se glisse entre les corps célestes* et entre les âmes terrestres*, respectivement. La distance relative entre eux augmente donc inexorablement et cette augmentation elle-même est en perpétuelle accélération. Bon, voilà, c'est comme ça: pas un drame non plus. Faut l'accepter, comme on accepte tant d'autres choses, et le prendre en compte au moment de cultiver des relations personnelles qui respirent la santé - comme mes dents!

Du coup, forts de cette petite révélation mystico-schtroumpf pleine de vrais morceaux de sagesse bon marché, on a déserté nos pénates ariégeoises par un beau weekend d'Avril, pour mettre le cap sur la voisine ensoleillée outre-pyrénéenne: celle dont l'étendard rougeoie à tout propos et à peu près partout le long de la route qui poudroie. Avant de partir, on avait évidemment déposé au pied de l'autel de K. - notre dieu lare à nous (eh non, Oliver N-o, ta statuette n'est pas notre seule idole domestique) - quelques croquettes et un bol d'eau fraîche propitiatoires, puis tiré notre révérence à nos retraités de voisins, pour ne pas qu'ils s'inquiètent de notre absence. L'objectif était ambitieux: rallier le joli bourg de Baignoires, célèbre pour son llac et son mon-monstre, pour y retrouver non seulement S.B. Powers, notre cyclotouriste sinophone et néanmoins préférée, mais aussi le Willy Fog qu'on ne présente plus et une surprise de taille en la personne de C.S.C aka thank you for the fish. À vrai dire, la surprise de taille était plutôt POUR la C.S.C qui ne savait pas, en pénétrant chez la S.B. Powers, qu'elle tomberait sur le Fog. Ni sur les nous: ding dong! Hola! Mais? Oooh! Ô, la joie des retrouvailles, ô l'émotion des câlins, bises, larmes et rires, ô les trucs chaleureux qu'on se dit et la mesure du temps qui passe. Et puis un peu de ô, voici des feuilles qui ne battent que pour vous, et nos cœurs en brochette sur une branche de fruitiers en fleurs...
entre une carcasse de mégot et un papier de bonbon
se balance au gré du vent un drapeau catalan...**

Ça faisait, vous l'aurez compris, beaucoup trop longtemps qu'on ne voyait ni la une, ni le autre, ni la troisième. Mais ça faisait aussi beaucoup trop longtemps qu'on vivait et divaguait aux confins des deux Catalognes sans être jamais passés par la case Baignoires, pourtant célèbre dans toute la casa nostra et au-delà. Aaah, Baignoires! Julien Lepers aurait dit: "Je connais bien Baignoires: il y a une place... devant l'hôtel de ville... avec au coin... un bar... c'est le café... le café... du commerce? Oui!" Anyway. Orgueil du Pla de l'Estany et cœur du cœur des comarques gironines, elle est surtout réputée pour la qualité de son eau, pour son lac, ses fontaines et ses canaux: certains l'appellent l'Amsterdam ou la Venise catalane et l'on raconte que quelque peintre flamand venait y prendre ses quartiers d'hiver et y exposer ses croûtes (de sources fantaisistes et troubles). Il paraît que son club de foot, l'Atlètic Club Baignoires, fut fondé en 1913 et que son monastère bénédictin fut le premier de Catalogne, ce qui semble incompatible avec l'aura de mystère, de légende millénaire et la date supposée de fondation de celui de Montserrat - mais nous laisserons ces querelles de clocher à ceux qu'elles intéressent (saviez-vous, d'ailleurs, que Notre Dame du Sabart, en haute vallée de l'Ariège, est une vierge noire elle aussi ; apparue toute seule dans la montagne elle aussi ; et qui, conduite à dos d'homme dans la vallée, y serait retournée obstinément jusqu'à ce qu'une chapelle lui soit édifiée in situ elle aussi? Coincidence? I don't think so...).

la vue du balcon: les toits environnants à l’œil nu ; au zoom optique x6 ; à la lentille subtile et digitale instagramorrhoïde.
Ceci étant, Baignoires est ef-fec-ti-ve-ment un adorable petit bourg aux relents médiévaux, dont le noyau historique qui a d'ailleurs germé aux fils des eaux vers les périphéries, semble n'avoir été construit que pour servir d'écrin au confortable et lumineux appartement de notre chère S. B. Powers: hauts plafonds et pigeons, chambres avec vue sur vieilles pierres, meubles récup' et boutiques rustiques façon bio, canapé king size et autres cloîtres à cyprès... En résumé: de la musique pour les yeux, les oreilles, les nez et les bouches!

la arbre de le genre Prunus tout embaumé de par avec les fleurs dessus lui.
Tant que le soleil a brillé, nous le lui avons bien rendu: arpentant les ruelles étroites comme des Mérinos du 8 mai dans un village provençal aux tons ocre (les chapelets de crottes en moins, cependant), battant le pavé médiéval (dans la plus pure tradition des demi-noix de coco) et descendant le courant: depuis les nombreuses berges (pas mornes pour un sou, soit dit en passant), il est vrai. On a poussé jusque-z-aux bords du lac - si bleu, si calme - et pas que la chansonnette. On a poussé le bouchon un peu trop loin et on n'a pas pu le récupérer. On a poussé le volet, à regarder le ciel disant: la journée sera belle si l'on en juge par cette aube. On a vu d'authentiques spécimens de canard colvert Anas plathyrynchos par-dessus le toit, dont l'un berçait sa patte palmée. Un soir t'en souvient-il? on voguions en silence, d'ailleurs. On a dit "Ô taon surprend ton veau! Éboueurs trop pissent, sucent pas de votre gourde: les seins nus - tabourets et rapines - dévissent dès plus tôt de nos jours... Comprenne qui doit, puisqu'il est bien connu après tout que le baigneur vient en aide à qui selle fait tôt. Ou était-ce: à qui selfie tout? Bref. On a rejoint les berges du lac, on a pris la chose avec philosophie et une méthodologie irréprochable (la même qu'avait utilisé l'autre dans le labyrinthe de l'ami notoire - celui qui tirait les ficelles en répétant à qui voulait l'entendre: Ariane sert de courir, il faut faire l'appoint! - c'est dire si on le tenait, le bon bout.

la cabane de bain au bord du lac: les herbes folles au bord du lac ; le canard luisant au bord du lac.
On a donc choisi une berge que l'on a longée avec soin et ténacité, et aussi avec un ciel si bleu qu'on aurait mangé dessus par terre sans se laver les mains. Heureusement qu'on avait à boire et pas les yeux dans les poches, parce qu'on a vu depuis les miradors, des vues qui se miraient dehors et un bébé serpent qui a bien failli nous mordre la poussière de sur les Birkenstok.
le serpent Dave, du jardin dédain: là, l'était tombé dans les pommes...
Et avec le temps, va, tout s'en va la cruche à l'eau qu'à la fin on crevait la dalle! On a finalement vérifié que la berge qu'on avait choisie était la bonne puisqu'elle nous avait ramené de l'autre côté, c'est à dire celui dont on était parti et qu'on n'avait jamais vraiment quitté depuis, grâce à la tactique du mur gauche du labyrinthe... Le lac de Baignoires est définitivement une curiosité de la nature, un trompe-l’œil baroccoco-modern kuntz avec de vrais morceaux d'Escher en forme de ruban de Möbius couché sur le bord de l'eau, qui aurait avalé le chapeau d'un éléphant de Dali.

À partir de là, tout est allé très vite: on a eu juste le temps de finir de jouer notre petit tour et paf! pile comme dans une synchronie (pastorale) ou un con (ça erre trop!) en sol (-eillé) majeur, on est tombés sur des amies de la S.B. Powers qui passaient par là, mais en suivant l'autre berge. Plusieurs coïncidences fortuites ont voulu que nos chemins se croisent sur la tranche du ruban de Möbius, aux environs du Tennis Club...

le lac version herbes folles ; le lac version la cabane du pêcheur ; le lac version born on the bayou...
Elles nous ont proposé (les amies, pas les coïncidences fortuites) d'aller s'en jeter une ou deux derrière la cravate (des bières, pas des coïncidences fortuites) - sans faux-cols et sur pilotis - au bar-guitoune à son pépère, dont la terrasse panachée de locaux comme de touristes, se déploie audacieusement sur un ponton branlant dont les fondements (d'où "pilotis") fouillent la vase comme autant de becs d'autant de canards sans faux-cols (verts).
On a chanté les vermuts et siphon font font, les patates marionnettes et autres quelques olives. Ils sont tous passés comme une lettre aux apôtres - manquaient que les raisins corinthiens , tiens! -, la conversation a rompu des bâtons de chaise et le temps a passé comme ça, attablés, comme dans un sommeil que charmait ton image (hein?).

un look tout en basiques rétro: le lac porte une cabane/cabine vintage, des herbes folles à franges et trois canards Hermès.
Puis à un moment, on a même carrément commencé à rêver le bonheur - ardent mira-a-a-a-age - de pâte à pizza maison et d'ingrédients frais de l'hort. Certains ont prononcé le mot bledes et on s'est levés en silence comme au début d'un clip de hip-hop. Les chaines en or en moins, quand même. Soudain, il a fait nuit. Ou pas tout à fait, mais presque. Disons qu'au niveau du ressenti du point de vue de la lumière du soleil et en terme de retour d'expérience sur le plan thermique, en tout cas (hein?). On a vite remis le cap sur l'appart où nous attendaient nues (!!): splendeurs inconnues et lueurs divines entrevues. Le four vite allumé, on a mis des fûts en perce et sorti les jeux de vilains:

il ne faut pas confondre: joueur de katana à colon irritable et joueur irritable aux colons de Catane!
Et s'il se peut qu'au gré des vents pointe l'orage, si nos chemins s'avouent soudain qu'ils tournent en rond sans lendemain (même Kahban y est passé: personne n'aura été épargné cette fois-ci! Arnaud si tu nous lis, on t'avais promis et dédié cette chanson y'a longtemps déjà...), on saura bien etc. Mais non, l'orage n'a pas pointé, les chemins ne se sont rien avoué du tout et puis le seul truc qui s'est avoué quelque chose c'est ce matin là qui a reconnu que c'était un dimanche et que voilà, gars, j'crois qu'on a fait l'tour: va falloir penser au r'tour.

ça parle tout seul et ça se passe de commentaires.
Donc là, on est allés tous ensemble jusque-z-al hort urbà où ce qu'à côté duquel, justement et comme de bien entendu par hasard, on avait garé notre fidèle destrier! On a parlé choux et aromatiques ; on a taillé le bout de gras ; on a tapoté le grillage aux poules pour leur faire un peu lever le cloaque de leurs œufs tièdes et nacrés de fiente bio ; on a ri au soleil en se disant qu'il faudrait un peu de pluie, quand même, pour les salades. Et finalement, on a sauté en croupe de notre vaillant 2c15 et on s'est mis en route au petit trot tandis que le comité des fêtes local nous présentait une nouvelle chorégraphie éphémère dont il a, définitivement, le secret. En résumé: l'amitié au soleil c'est bien, l'amitié au bord de l'eau, c'est mieux et quand les canards s'en mêlent, ça nous fait des vacances. À bon entendeur, santé!

Voilà. On, on dit ça, on dit rien. Et joyeuses non-Pâques à tous et à toutes.


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* À propos des corps célestes et des âmes terrestres... Sous les jupons de certaines phrases toutes faites, s'il prend la peine de s'y arrêter et qu'il n'est pas capitaine: il peut trouver de bien jolis paradoxes et peut se les garder (dans un coin de la tête, en jurant ses zunpeutars que l'on ne l'y reprendra plus)...

** Reprenons les bonnes habitudes: une carte postale exclusive au premier qui nous donnera quelques-uns des noms de chanteurs (à textes!) ou de pouètes (envers ou endroit) à qui l'on doit ce classique des années 80 et ces pièces de musée éparpillées à l'entour!

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