Tuesday, August 9, 2016

Jusqu'au bout du monde (4 sur 8)


... Riga - Moscou: peu à pas et pas à peu!

on en était restés au sac à dos à pattes, pret à monter dans le train...
Si vous avez lu l'épisode précédent (et si vous ne l'avez as fait, il n'est jamais trop tard pour bien faire: soit en espagnol, soit en cliquant sur l'un des liens de traduction automatique de Google en bas de page, pour une expérience poético-lexico-psychédélique), vous aurez constaté qu'il mentait un peu sur la marchandise et qu'en fait de lanternes, il vendait quelques vessies. En effet, son titre aguicheur "Riga -Moscou" a de quoi laisser sur sa faim plus d'un lecteur, dans la mesure où l'aventure s'arrête à la montée dans le train, soit à la louche 1000 km plus tôt qu'annoncé... Réparation s'imposait et c'est chose faite avec ce post qui sera - parole, parole - aussi court et concis que possible! On y va:

Une fois à bord, nous trouvons facilement nos places: la 43 et la 44, couchettes superposées en long (dans le sens de la marche) vers le milieu d'une voiture de troisième classe. C'est le même type de wagon ouvert que celui qui nous attendra au départ de Moscou: une soixantaine de couchettes superposées sur deux niveaux et organisées par six: deux fois deux transversales (perpendiculaires à la marche) autour d'une fenêtre avec une tablette et deux longitudinales, accolées à la fenêtre d'en face (comme les nôtres, donc). Celle du haut s'escamote tandis que celle du bas se replie en deux sièges et une tablette: c'est le format que nous avons choisi, histoire de ne dépendre de personne quant à nos horaires de repas, de coucher ou de lever...

il a l'air vide comme ça, notre wagon, mais les voisins ne vont pas tarder à arriver...
Nous sommes à peu près a mi-chemin entre les deux points névralgiques de la voiture: en tête, le samovar - source permanente et apparemment intarissable d'eau chaude (bouillante) ad lib pour les thés, soupes de nouilles instantanées et autres merveilles lyophilisées - et en queue les toilettes, qui pour ce trajet et d'autres à venir (plus longs et lors desquels l'hygiène deviendra un point plus critique) doivent s'utiliser avec intelligence et un redoutable sens du timing... Mais nous aurons le temps d'apprendre: un proverbe espagnol dit "sabe más el diablo por viejo que por diablo" et ce n'est pas par hasard... En un rien de temps (juste celui nécessaire à nous installer un peu), on est en rase-campagne: les bouleaux défilent déjà par la fenêtre, que les rayons du couchant enflamment d'une lumière presque boréale. Malgré un ciel plutôt menaçant, le soleil nous aura accompagnés jusqu'à la tombée du soir, encore précipitée par notre cap résolument à l'est-sud-est. Après un thé de rigueur, nous avalons rapidement notre soupe de nouilles respective, agrémentée des trop rares delikatessen du marché de Riga qui ont résisté à nos assauts répétés de la journée... La contemplation silencieuse du paysage qui défile se partage le gâteau avec l'observation discrète mais minutieuse de nos voisins de wagon: comment ils s'installent; ce qu'ils mangent; leur tenue de train; la langue qu'ils parlent et le volume de leur bagage. C'est de bonne guerre puisque leur curiosité à notre égard est, manifestement, très comparable à la nôtre... La nuit commence tôt, le monde extérieur s'efface et l'univers se résume bientôt à notre noyau de six couchettes. On fait les lits, on roule la viande dans le torchon et pleins d'excitation comme des gosses le soir de noël, on se rend vite compte que s'endormir n'est pas une option sérieuse!
ici commence l'hégémonie du bouleau; ici repose le sens du mot "monotonie".

La fatigue et le bon vieux tchoucou-tchoucou auront pourtant raison de nous puisque des voix fermes mais courtoises, suivie d'uniformes vert sapin, nous réveillent un instant plus tard. Nuit noire dehors, le train est arrêté au milieu de nulle part. De hautes grilles surmontées de barbelés nous enveloppent comme une espèce de couloir ou de nasse et les voix affublées d'uniformes révèlent bientôt des mains gantées qui s'agitent en réclamant sans ambiguïté nos passeports. Il s'avère que ce ne sont que les Lettons qui nous laissent quitter l'UE, non sans faire quelques blagues que nous ne comprenons pas mais auxquelles nous rions de bon cœur... Jusqu'ici tout va bien et comme disait papi: "on mange notre pain blanc". On tâche donc de se rendormir bien vite, pressentant que le répit ne durera guère. Mais Futuna commence à être nerveux: il gigote, il trépigne sur sa couchette, il renifle, il a les coussinets humides... La mère Russie lui file l'angoisse, un peu de parano et des sueurs froides: on nous écoute, on nous fiche, on nous surveille, on nous attend au tournant, on en a après nous et on nous soupçonne surement déjà de quelque chose! Afin de pouvoir parler librement tout en évitant de dévoiler notre jeu, on convient alors d'un code secret. Comme il n'est pas question d'évoquer directement les habitants du pays (les R----s), ni leur monarque (Vla----- Pou----), sans quoi on se retrouverait en prison avant d'avoir eu le temps d'épeler Goulag (qui à l'envers se lit Galoug! c'est drôle!). À partir de maintenant, on les appellera donc les Po-ke-mon. Et leur souverain tout-puissant, Pi-ka-chu. En pleine hystérie de lancement de l'app' Pokemon Go!, il faudra au moins un Alan(ov) Turing(ovitch) pour craquer notre Enigma à nous. Hin hin hin (rire jaune)...

to eat purée or not to eat purée?that is the question...
Le réveil suivant arrive effectivement assez vite et est effectivement moins affectueux. Pour entrer chez les Pokemon, il y a deux vagues de contrôles: la première, c'est les douanières des customs. En tout cas, c'est le seul mot qu'on comprend au milieu d'un flot de choses poétiques et très très cyrilliques. Il faut leur remplir un fascicule imprimé en Russe (dont l'encre n'est pas sans rappeler, d'ailleurs, celle des Pif et Hercule ou des Placid et Muzo de notre enfance: à la fin de la lecture, on en a plus sur les doigts que sur le papier) dans lequel on certifie que "да" ou "нет" tout un tas de choses. Puisque les voisins ont l'air de répondre "нет" et que la tendance générale est plutôt à n'avoir rien à déclarer, on met "нет" en tremblant dans toutes les cases: on espère qu'aucune ne stipule "poisson fumé", "livre subversif d'un prix Nobel d'économie" ni "réchaud à alcool". On signe en transpirant à grosses gouttes et on tend le truc dégoulinant à la préposée qui ne le regarde même pas, l'enfourne dans une pochette plaquée sur son sein et quitte la voiture en claquant les talons. Ouf! La sensation d'être le héros de Midnight Express qui aurait réussi à embarquer dans l'avion, sans la drogue scotchée sur le bide évidemment, mais avec la peur au ventre quand même... Et là, les choses sérieuses commencent: la police de l'immigration entre en piste! Même paysage désolé et mêmes corridors de grillages barbelés que chez les Lettons, mais avec en plus des mecs armés partout autour du train, dehors, et des spots hyper-puissants qui éclairent comme en plein jour. On se dit que le mec qui s'est donné la peine d'arriver jusque là en douce ne va certainement pas décider de s'évader ici et se mettre à courir, mais on ne sait jamais. Bref, le dispositif est impressionnant. On nous prend donc les passeports, on regarde à peine les dix mille documents: laisser-passer, invitation, voucher et autres certificat d'assurance médicale, pourtant tous obligatoires, requis, indispensables et nécessaires. C'est à se demander pourquoi on s'est emm- à les obtenir... Avec le passeport et une sorte d'ordinateur portable à manivelle porté en bandoulière par un préposé pas peu fier de son joujou hi-tech, la mère Russie se livre donc à un contrôle en règle de notre identité: numéro de visa, nombre de dents, date de la première cuite, âge du capitaine, pointure en degrés Farenheit... tout y passe et j'en passe. Finalement, tout au bout d'une chaînette attachée au coffret en bois léger qui contient son ordinateur analogique à manivelle, le préposé pas peu fier finit par agripper un tampon qui pendouillait quelque part loin loin loin au niveau de ses genoux. Il le presse avec application sur son coussinet encreur et - langue tirée dans un rictus de concentration - avec une dextérité qui me fait encore frissonner quand j'y repense, pan! il vise notre visa d'un sceau rouge comme l'étoile; rouge comme la place; rouge comme l'armée...
bienvenue à Волоколамск darladirladada! y'a du crachin et des wagons, darladirladada! 

Le temps de faire de même avec le reste du wagon et avec tous les autres wagons - ils étaient venus nombreux nous attendre à la frontière (comme si quelqu'un les avait avertis, vous voyez bien qu'on est fichés!), ça ne prend donc qu'un temps somme toute très raisonnable - ils se replient, les portes claquent, les freins cliquettent, les chiens et les kalachnikovs s'effacent, les spots s'éteignent et le train s'ébranle. Les barbelés, eux, ne bougent pas et ne sont bientôt plus qu'un lointain souvenir embrumé et confus, tandis que les ronflements reprennent comme si de rien n'était. C'est fait: on est entrés. On est à Pokemon-land et à partir de ce moment, Futuna n'aura plus qu'une seule idée en tête ressortir; plus qu'une unique obsession: quitter le pays!

La nuit se poursuit pourtant sans histoires, tous dorment du sommeil du juste et avec les premiers rayons du soleil, on ouvre les yeux sur un nouveau monde: Волоколамск! Encore quelques petites heures de rien du tout à rouler à faible allure sous un ciel gris, à travers des banlieues industrielles grises, le long de barres d'immeubles grises - et assez gigantesques pour reléguer Le Corbusier au rang de père spirituel du mouvement Tiny Houses - et on entre dans Moscou. Le nom fait rêver, la gare Rizhskaia un peu moins, mais on y est: on est arrivés au paradis des matriochkas, le pays où les couloirs du métropolitain sont grands comme la grotte de Lombrives, ses escaliers comme le gouffre de Padirac et sa décoration est digne d'une cathédrale néo-baroque ou d'un cinéma Utopia! Dès qu'on aura réussi à retirer des roubles et à trouver notre ligne de métro, on file retrouver A., notre hôte CS pour les prochains jours et on vous raconte tout ça très bientôt! Скоро увидимся!
matriocka, matriochat et matriochouette sont dans un bateau ; premiers pas dans le métro du peuple: mais, on dirait Versailles!



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20 francs le kilo

Notre section spéciale (hashtag 20 francs le kilo) pour tous les fans de comptes, les stressés du budget (serré) y ceux qui seraient piqués par la curiosité - ou par le virus - du voyage sans avion(s)... Ils trouveront donc ici et dans cet ordre: la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (arrondie, sans virgules et avec parfois quelques oublis mineurs et fortuits, il est vrai). Mais dans les grande lignes, voilà ce que ça donne :

 - Riga-Moscou (train Latvian Railways): 17 heures / 950 km / 75 (x2 personnes) 150 euros.

Soit environ 16 centimes d'euro du kilomètre (et par personne) et le gîte pour 1 nuit résolu!


2 comments :

  1. Je veux la suite chez les pokémons !!! et en francais, c'est jouable ?
    Bises à tous les deux.
    Nico.

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    1. on y travaille! et pour le français, on va voir s'qu'on peut faire ;)
      merci d'être fidèle au poste et à bientôt,
      nous

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