Tigre, dragon et... Kumamon?
Ah! Kagoshima, la ville qui ne dort (presque) jamais... |
Résumé: profiter de l'effet lost in translation, à la rigueur, oui ; prendre ouvertement les locaux pour des cons, non.
On a marché encore un peu plus loin en explorant les environs. Le soir tombait. On faisait genre "on sifflote et on se promène, la la la". Avec nos sacs à dos é-nor-mes, on n'attirait pas du tout l'attention des joggeurs et des retraités qui faisaient le tour du lac après leur dîner. On a fini par trouver un coin très reculé, tout en haut d'une butte, au bout d'une longue série d'escaliers en terrasse façon truc à sacrifices de civilisation précolombienne. La vue sur le lac était belle et la nuit tombait tellement qu'elle était vraiment tout près du sol.
the Hanazono pond, as Google streetview made it forever still and frosted... |
décliné à toutes les sauces, à foison et jusqu'à la nausée - comme pour nous dire: "tu l'as vu mon Ku, mamón?" ** |
Le merchandising Kumamon est poussé à l'extrême et en ce qui nous concerne, ça a exercé un effet répulsif presque instantané: après quelques minutes, on était saturés. On tournait la tête dès qu'on le voyait, mais ça ne servait à rien: il était là, partout, de tous les côtés. On a bien essayé de le gommer mentalement de tous les endroits, objets et pancartes sur lesquels notre regard se posait, tellement on en avait marre de voir sa
Quand on s'est rendu compte qu'on devenait fous, on a sauté dans un bus direction les collines, histoire d'aller se recueillir à la grotte de Miyamoto Musashi. Et on a bien fait! Après 45 minutes de trajet, le bus nous a laissés en rase campagne au milieu des rizières, avec comme seule option le bus dans le sens du retour 3 heures plus tard. On s'est calmés d'un coup: paysage bucolique, silence de sieste sous le soleil et rien d'autre à faire que suivre la petite route qui montait en zigzagant vers le temple et la grotte du Zinédine Zidane du sabre. On raconte qu'il s'y est retiré à 59 ans, rangé des épées et des duels, pour y écrire son Traité des 5 roues. Un classique. "Si tu veux vaincre Kumamon, a notamment écrit Musashi vers 1640, tu dois devenir Kumamon. Et dégainer le premier, sinon, ça aide".
"c'est un trou de verdure où chante une rivière, accrochant follement aux herbes des haillons d'argent, où le soleil de la monta..." si, non? |
Alors bien sûr, la grotte est jolie. Même si, techniquement, c'est plutôt ce que les archéologues appelleraient un abri sous roche, mais on ne va pas échapper à la folie douce pour sombrer dans la pédanterie... Aux abords de la grotte, il y a toute une armée silencieuse et immobile de bouddhistes de pierre. Couverts de mousse et pour la plupart mutilés, marcher parmi eux*** procure à la fois une paix profonde et un léger malaise. Curieux contraste qui donne la chair de poule, on imagine la foule des vaincus des duels du maître, tous morts ou amputés et figés ici dans leur dernière grimace, mais enfin autorisés à se reposer. La mousse omniprésente et la fraîcheur du sous-bois évoquaient inévitablement le Dormeur du val: la même poétique macabre, mais au pluriel. Difficile de ne pas penser quelque chose comme "Bah, quelle connerie la guerre, au bout du compte. Non? T'es pas d'accord, Barbara, hein?"
On a cassé la croûte sous un arbre, regardant en silence les rizières verdoyer en terrasses au dos des collines. Et puis on a fait du stop pour passer le temps en attendant le bus. Un gars nous a pris (miracle!) et, trop heureux d'échanger quelques mots en anglais avec des gaijin, il a fait un bon détour dans le trafic dense du milieu d'après-midi pour nous déposer pile devant l'enceinte du célèbre chateau
les dommages soufferts par le chateau de Kumamoto, seulement sur les parties rénovées, faut le faire! et le ferry rococo-chic pour Shimabara. |
En redescendant vers l'arrêt du bus qui nous conduirait vers la gare où nous attendaient nos bagages et la navette pour le port duquel partirait bientôt notre ferry (ouf!), on a assisté à un curieux spectacle qui attirait visiblement une foule compacte de badauds surexcités. Sous leurs applaudissements, des mascottes ridicules et débiles dansaient un truc vaguement régressif et vulgaire sur un fond de musique abrutissante. Un type hurlait dans un micro comme un hystérique. Après quelques minutes d'observation mi-amusée, mi-incrédule, on en a conclu que c'était un débat des candidats à la succession de Kumamon. Une campagne électorale de mascottes kawaï! Bon sang mais c'est bien sûr. Il ne nous manquait plus que ça. Et il était vraiment temps qu'on se casse... Donc pour faire vite: le bus, la gare centrale, la consigne, les sacs, l'autre bus, le port, le ferry, les billets, l'embarcadère et le décor chic-kitsch à bord.
tomber de Charybde en Scylla à la japonaise, ou 'le cauchemar n'en finit plus': débat de campagne électorale et kitsch pavillonnaire. |
Le jour descendait comme on traversait l'étroit bras de mer nous séparant de la péninsule de Nagasaki. En débarquant à Shimabara au crépuscule, on pensait que tout était fini, que ça n'avait été qu'un cauchem'ours, une hallucination kumamollective. On avait déjà vécu ça 2 ans auparavant, alors qu'on TRANSITait entre Bourgogne et Belgique, ces univers parallèles où les freaks ont pris le pouvoir... Mais ce coup-ci, c'était différent! Rassurés et confiants en l'avenir, on respirait déjà un air pur et vivifiant. Puis en cherchant l'arrêt de notre bus, le dernier de la journée, on a tourné le coin du terminal des ferries pour découvrir des décos de Noël installées à l'année dans la plus pure tradition du beauf' de lotissement. Et on a commencé à flipper. Heureusement, le bus est arrivé. On était pratiquement seuls à bord, fatigués par la journée, engourdis par un froid croissant et perdus dans l'obscurité. Après une bonne heure de montée en lacets dans la montagne, le bus nous a déposés à notre destination: Unzen, bouche béante de l'enfer, nous soufflait à la gueule son haleine tout en vapeurs soufrées. Il faisait nuit, il faisait 6 ºC, on était crevés, on ne savait pas où aller planter la tente et en face de nous, de l'autre côté de la route, il y avait ça:
bienvenue à Unzen, terminus de la ligne et fin du monde... |
- À suivre -
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* Avec pour tout bagage: oui,bon, c'est une façon de parler: on avait toujours nos sacs ridiculement lourds et chargés d'un peu de nourriture et de tout le nécessaire pour affronter une ou deux nuits dans la nature. On avait aussi, faut-il le préciser, nos dégaines de touristes à peine moins pittoresques pour les locaux que leur pays ne l'était pour nous.
** À propos de ces images de Kumamon: nous ne détenons absolument PAS les droits, pour aucune de ces photos. Et même si ce blog ne nous rapporte pas un centime et que nous n'ayons aucunement l'intention de tirer profit de ces images, nous prions les détenteurs des droits de propriété intellectuelle de nous faire savoir s'ils souhaitent que nous les retirions de cette page. Voilà, c'est dit!
*** À propos de cette anacoluthe: nous déclinons toute responsabilité des possibles malentendus qui pourraient en découler...
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