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Sunday, December 17, 2017

home(t)raveling : mois 5... et 1/2!

À vos manteaux! À vos bonnets!


le jardin et le pain de sucre (glace!) aux premières heures de décembre!
Après s'être proposé (et vous avoir promis) en juin, de poster des nouvelles des travaux une fois par semaine ; après avoir claudiqué à la fin du premiers mois ; après avoir tenu le rythme de deux posts mensuels jusqu'à maintenant ; on manque finalement un rendez-vous et on vous pose, de fait, un lapin. Alors, non : on ne passera pas par la case départ, on ne recevra pas vingt mille francs, pas plus qu'on n'ira directement en prison*. On vient d'aterrir à la maison après dix jours plutôt intenses chez nos euskal patrons et amis en compagnie de nos clientes et amies les euskal brebis et les euskal vaches. On vous racontera. Bientôt. Une moitié de l'équipe a également fait un crochet express par le Puy-de-Dôme pour une session du D.U. de phytothérapie de l'Université d'Auvergne. On vous en reparlera aussi, d'ailleurs. Promis. Si on a le temps...

Du coup - et assez logiquement, au deumeurant - les travaux n'ont guère avancé en décembre pendant notre absence. C'est à la fois la norme et l'inconvénient quand on essaye de faire soi-même au lieu de laisser les clefs "à l'archi" et le boulot "aux corps de métiers". Pour plagier une vieille blague mysogyne que l'on ne raconte plus (à propos de changer une ampoule et de ces jours-là) : "- Combien de temps il faut pour auto-rénover une maison? - Ça prendra le temps que ça prendra, un point c'est tout!" Désolé. Après cette petite mise au point, on peut rentrer dans le vif du sujet: la fin novembre et le début décembre, marqués principalement par l'arrivée inopinée de l'hiver, la constitution d'un cabinet de crise et les solutions d'urgence envisagées (parmi elles, un repli stratégique vers, justement, notre chère Navarre). Dans la nuit du 30/11 au 01/12, voilà ce qui nous est tombé dessus (et bim!) et voici quelles étaient les mesures de lutte contre le froid à l'ordre du jour le matin suivant:

installation (par des fumistes professionnels et adorables!) du poêle à bois ; dans la foulée, montage du retour, côté gauche de la cuisine.
1- installation immédiate du poêle à bois au rez-de-chaussée: ça incluait le montage du second retour, symétrique de celui du frigo mais en béton cellulaire cette fois (pour cacher le raccord de conduit de fumées, créer un petit espace de rangement et délimiter la zone du plan de travail de la cuisine). Ça supposait aussi de fourrer un conduit de fumées dans le conduit en maçonnerie existant. Le boisseau et les chevêtres existants étant trop étroits selon la réglementation actuelle (14 cm au lieu de 17,5), il a fallu installer un "double peau" isolé - qui coûte un bras, soit dit en passant - mais on ne déconne pas avec la sécurité incendie. Pour le faire passer, il nous avait fallu grimper dans les combles et sur le toit la semaine précédente pour casser ou élargir un peu le conduit par endroits, préparer le socle de sortie, retirer le chapeau en place, collé au mortier avec des bouts de brique et emboîté sur... un vieux tubage en fibro-ciment tout pourri (ouaiiiis! et Futuna qui adore manipuler cette saloperie matériau bourré d'amiante...). Côté mur, on a enduit avec du plâtre allégé et posé 3 tablettes pour ranger du bordel petit matériel (petit bois, allume-feux, allumettes, balayette...). Côté cuisine, on a collé au mortier adhésif une plaque de BA13, fait les bords à l'enduit de finition et passé le tout avec la même sous-couche que le reste du mur et le plafond. Résultat propre et net, prêt à recevoir les (futurs, un jour, eventually) éléments de cuisine!

de "jour" (on ouvre les fenêtres pour ventiler, mais rarement les volets) comme de nuit, le Base camp: plafond à 180 et lit en 140.
 2- déménagement de nos quartiers (d'été) du second vers le premier étage: la chambre psychédélique** était toujours aussi chaleureuse, mais juste sous les combles non isolés, avec des trous dans le faux-plafond en lattis plâtré et des fuites depuis/vers la grange plein le palier. La température ces derniers temps y devenait difficile à supporter en dehors du lit, les opérations d'habillage/déshabillage étaient ni plus ni moins dangereuses pour la santé et l'humeur générale s'en ressentait douloureusement. Bref, on est descendus d'un étage et on a installé le Base camp dans la grande syn-chambre, pour quelques temps au moins... On a très vite constaté qu'avec la chute des températures, le petit chauffe-eau à gaz qu'on avait récupéré dans la cuisine, nettoyé, installé dans la buanderie et relancé au début de l'été, ne tenait plus la distance. Eau tiède pour faire la vaisselle et se brosser les dents, passe encore. Mais eau tiède pour se doucher quand il fait entre 8 et 11 ºC dans la maison, non! Du coup et dans la foulée:

en mode rétro devant le poêle et romantique dans "la penumbra parda de la pequeña alcova", Wallis & Futuna à l'heure du bain.
3- toilette/ablutions à l'ancienne dans le futur salon-salle-à-manger-cuisine: avec une vieille bassine de grand-mère, posée juste devant le poêle, de l'eau tiède du robinet chauffée à une température confortable sur la gazinière ou directement sur le poêle et un petit seau à la japonaise. On a adopté le système naturellement et avec un soupir de soulagement. Se contenter de peu, d'accord. Se geler le c-l, pas d'accord. On avait dit et répété qu'on ne s'installerait pas en bas tant que la grande salle du rez-de-chaussée ne serait pas finie, mais la réalité nous a bien vite rattrapés. Elle est devenue du jour au lendemain notre bureau et notre coin repas. Le frigo et la machine à laver y ont trouvé leur place, le tancarville aussi - à notre grand dam. Et en constatant qu'on pouvait facilement y être à 20-21 ºC, la tentation d'y descendre un lit a commencé à nous tenailler... Chaque chose en son temps! Pour l'heure, juste avant de partir au pays basque, il nous restait une chose à faire, un cap à franchir pour pouvoir débloquer la situation de la (future, un jour, eventually) salle de bain du premier. Un cap qu'on redoutait et qu'on retardait depuis quelques temps déjà. Procrastiner est l'un des postes importants d'un gros chantier, visiblement. Ou alors ça n'arrive que chez nous?

finitions de ponçage et huile dure sur les huisseries ; le wc "froid au c-l" et le chauffe-eau dans la buanderie ; la pièce à vivre tempérée.
4- descendre le wc du premier et installer un ballon d'eau chaude: dans le coin de la grange qu'on appelle la (future, un jour, eventually) "buanderie", pile là où on avait déjà commencé à poser les tomettes récupérées chez nos chers C. & L. (voir cet épisode précédent). Tant que le wc n'était pas descendu, on ne pouvait pas finir d'isoler ni préparer le sol de la sdb du premier ; donc on ne pouvait pas finir d'isoler ni préparer les murs de la sdb du premier ; donc on ne pouvait pas faire venir le plombier pour passer la tuyauterie. Pourtant, un vendredi, il nous a appelé pour annoncer qu'il viendrait le lundi suivant "dans la matinée" nous installer le chauffe-eau électrique. Une bonne chose en soi, sauf que c'était aussi le jour de notre départ pour le p.b. et que, si ça ne tombait pas exactement mal, c'était quand même un peu juste! Bon, en résumé on a eu le weekend pour déplacer le wc, sachant que le dimanche on accueillait la distribution d'une commande pour le groupement d'achat de produits bio et locaux auquel on a adhéré en arrivant ici.

le randonneur du rebord de la fenêtre: un bout de fil de fer entortillé très expressif!
Et que ça aussi, c'était une bonne chose en soi, ça nous faisait super plaisir et tout et tout. Mais ça voulait dire recevoir les livraisons de producteurs de bière bio, vin bio, jus bio, farines bio, miel bio, confitures bio, pâtés bio, papier toilette bio, savons bio, infusions bio, chocolat et café bio pour environ 50 foyers durant ces trois jours, les stocker par là et voir débarquer une vingtaine de personnes le dimanche pour répartir et emporter tout ça. Avec 2 ºC au thermomètre et 10 cm de neige dans le jardin! Ça s'est très bien passé, dans la bonne humeur et avec même un beau soleil, on a juste cru à un moment qu'on n'allait pas y arriver. On a quand même trouvé le temps de fignoler quelques bricoles (ponçage et passage à l'huile dure des cadres de fenêtres), histoire de dire... En faisant un tour dans la grange, genre "inspection avant de fermer pour deux semaines", on est allé saluer l'éternel randonneur de la fenêtre du grenier: un bout de fil de fer rouillé et tout enroulé, emmêlé et entortillé qui, de loin et dans le contrejour des volets entrouverts, nous évoque la silhouette d'un marcheur ou d'un pèlerin avec son bâton. Vous le voyez? Non? On n'hallucine pas, quand même! On l'a repéré cet automne et depuis on va le voir de temps en temps. Il n'avance pas très vite mais il est fidèle au poste...

des fermes accrochées à chaque flanc de colline, des brebis dans chaque ferme: le terrain de jeu du 2c15 s'étend à perte de vue!

Puis, comme la journée commençait à avoir duré suffisamment, on a fait nos bagages et on s'est couchés. Puis soudain, c'était lundi matin et le plombier est arrivé. Puis vers 14 heures, Wallis est partie. Puis peu après 16 heures, le plombier est parti aussi et Futuna a enfin pu se mettre en route. Puis on s'est retrouvés là-bas et on est vite allés se coucher. Puis soudain, c'était mardi matin et sur le coup de 8 heures, on était prêts à retrouver notre eremu jolasten favori: Egun on! Euskal herria ongietorria! Nola ari zara? etc. Mais ça, comme dirait Shéhérazade si elle s'appelait Leyre-azade, "beste istorio bat da"...


Allez, à bientôt,
et bon solstice au cas où!
musuak eta besarkadak
Futuna & Wallis


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* toute évocation d'un abject jeu capitaliste faisant l'apologie, sinon l'éloge, de la spéculation immobilière et illustrant avec cynisme les politiques d'urbanisme et le phénomène de gentrification de nos centre-villes, serait évidemment fortuite et ne reflèterait en rien nos convictions sociales, économiques et politiques. Mort au Monopoly!

** mais si, vous l'avez sûrement aperçue dans l'un des tout premiers épisodes de la saga de l'été... vous ne pouvez pas avoir oublié cette symphonie en orange et marron, ce papier peint unique, inqualifiable (et remarquablement conservé de l'outrage - irréparable - du temps, soit dit en passant) qui donnerait des cauchemars même à Alex DeLarge. Ou bien l'aurait-on jalousement gardé secret jusqu'à maintenant? Pour ne le révéler qu'au moment opportun? Un tel degré de machiavélisme de notre part serait-il possible? Jusqu'où s'arrêtera-t-on?


Friday, March 17, 2017

l'arbre qui (ne) cachait (pas) la forêt

Comme (presque) chaque hiver depuis (presque) dix ans, le pays basque français (aka Euskal Herria, Hiparralde ou basse Navarre: appelez-le comme vous voudrez) nous accueille pour un mois ou deux, le temps d'y faire du travail saisonnier et vétérinaire - à moins que ce ne soit plutôt le contraire.

brebis Manech "têtes noires" et "têtes rousses" au pré et au soleil du pays Quint.
Si l'on y revient encore et toujours, c'est sans doute moins pour le travail en lui-même* que pour son cadre magnifique : vert et minéral, domestique et sauvage, désert et habité, intense et bienveillant, etc. (les qualificatifs manquent souvent, les contrastes, jamais : jugez plutôt). C'est donc peu à peu devenu une habitude et, sans qu'on s'en rende compte, ce vrai petit val qui mousse de moutons, ce trou de verdure où chantent plusieurs Nive (allez, quand d'autres rendent montres et costumes, rendons à Arthur ce qui est à Arthur) a pris une place de choix parmi nos #backyard views: ces non-maisons, résidences temporaires, haltes nomades et autres "et toujours l'on revient, à ces lieux du passé, où l'on aimait la vie"** qui nous ont ouvert leur porte et pas que, pour une nuit ou pour plusieurs années. Car l'incroyable richesse et la variété des "vues de ma fenêtre" offertes par nos maisons sur roues (successivement le TRANSITion! et le 2c15), différentes chaque matin, ne sauraient éclipser celle d'ici, du premier étage du cabinet vétérinaire. Toujours la même et pourtant, elle aussi, toujours différente. Au prix d'une prétérition, on vous épargne le proverbe bouddhiste du bain dans la même rivière et de l'eau nénamoins toujours renouvelée. Et pourtant Ford sait que ça viendrait à point et tomberait à pic. Ça, c'est fait. Reste encore à caler une prosopopée ou un hypallage quelque part et on aura le quota pour aujourd'hui.

star indiscutable de nos séjours hivernaux ici: l'arbre par la fenêtre, qui est aussi au deumeurant par-dessus le toit (si bleu, si calme?)
Bien. Ce post ne prétend pas faire l'éloge de la routine - quoique - ni du bonheur d'ouvrir la fenêtre chaque matin pour découvrir le même paysage, mais bien rendre hommage à celui-ci en particulier: pousser le volet, regarder le ciel (rendons à Saint John ce qui est Saint John), lever les yeux de l'écran et embrasser du regard la ligne des crêtes pelées d'Iparla ou des sommets boisés d'Iraty. En un mot, ce paysage en particulier avec ses circonstances, ses fermes accrochées à flanc de colline et... son arbre désormais presqu'aussi légendaire que celui du Ténéré. Tout comme la vue de la fenêtre, les journées ici - et c'est finalement rassurant - se suivent et se ressemblent toujours un peu. On se lève avec le soleil, on roule, on monte par là, on fait la tournée, on court après la montre, on casse la croûte, on recommence à tourner et à courir après la montre, puis à la fin on redescend pour recommencer le lendemain. Vu de plus près, ça donne ça:
lever de soleil sur le Béhorléguy, qui dépasse un tas de fumier à la Schopenhauer.
On se gare dans la cour d'une ferme, on serre des mains, on parle du temps, du monde qui marche sur la tête et de la même chose que chez le voisin : le prix de l'agneau qui dégringole, le prix de l'aliment qui s'envole, le poids ahurissant des contrôles et des paperasses, la pression et les contraintes qui pèsent sur les éleveurs, chaque année un peu plus lourdes, le peu de jeunes qui s'installent, le futur incertain et le ras-le-bol croissant...

" - Bon, allez. C'est pas tout ça, mais va falloir s'y mettre, hein!" À partir de là, deux options possibles, qui ne changent pas beaucoup le déroulement du machin:

a) " - Comment vous voulez faire, docteur? Il faut vous les tenir? Ah? Bon bon... Oui, d'accord. Je les attache, alors? Oui? Vous êtes sûr? Non non, docteur, c'est comme vous voulez, hein."

b) " -Tu es stagiaire ou tu as fini les études? Tu vas les faire comme ça même, hein? Ah non? Il faut te les attacher? Pourtant d'habitude... Bon, d'accord, c'est comme tu veux, hein."

Dans les deux cas, ils finissent par les attacher de plus ou moins bon coeur et on peut faire le boulot. La question se résume finalement au temps que ça va prendre. Puis on fait signer des papiers (chaque année un peu plus), on se passe un coup de jet sur les bottes et sur les mains, on serre des mains ou le poignet qu'on nous tend puisqu'on vient de se laver les mains, et on part vers la ferme suivante. On évite un chien débile qui se jette sur/sous les roues du 2c15 pour les mordre, et de temps en temps, par nostalgie de l'époque où on découvrait encore la région, on se perd un peu histoire de dire, d'explorer ce chemin mal carrossé ou de pouvoir demander à cette vieille qui bine ses poireaux au soleil où est la maison Truc-etchea ou le GAEC Machin-berria... Le train-train, en définitive.

heureux, espatifflés au soleil et à l'abri du vent à l'heure de la sieste - "pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude..."***
Quand midi sonne (ou midi et demie, ou une heure, ça dépend des jours, des tournées et de la bonne volonté des éleveurs), on s'arrête pour manger un morceau. S'il fait moche et froid, ou si un délégué local nommé par le GDS a pris sa journée pour accompagner la tournée, on va au resto manger un menu ouvrier. Pour 12 ou 13 euros, c'est l'indigestion assurée: garbure au talon de jambon, hors-d'oeuvre, crudités et/ou charcuterie, viande et garniture, fromage de brebis et dessert gâteau basque. Le tout servi généreusement à la mode grand-mère ("vous n'allez pas me laisser ça!"), avec souvent de l'oeuf, du lard, de la friture, de la sauce au beurre et - bien sûr - le gros rouge et le café compris. Même avec des années d'entraînement, c'est toujours difficile de repartir avec tout ça dans le bide. Et pas question de demander "juste un plat du jour en direct" ou "une petite salade verte sur le pouce". Déjà que refuser le pastis pour l'apéro, c'est limite un affront, imaginez le tableau si on demandait poliment des légumes verts bouillis.

comme les porcs basques: trouver un bon spot au soleil et à l'abri du vent est tout un art, qui demande patience, expérience et intuition!
Heureusement, s'il fait soleil et/ou quand la saison est un peu plus avancée, on a l'habitude d'emporter une baguette, du pain, du fromage et des fruits, pour casser la croûte dans ou à côté de la voiture, quelque part avec un peu de vue et pas de vis-à-vis. La sieste de l'après casse-croûte est alors un des petits plaisirs les plus merveilleux qui soient. On se chauffe la couenne au soleil, à l'air libre ou derrière le pare-brise, on rêve éveillé et on déconnecte un moment. Ce qui nous conduit à la principale raison pour laquelle on revient encore et toujours (d'accord, la deuxième principale raison, la première étant que c'est un travail rémunéré et que si c'était bénévole, on irait sans doute se promener sans passer la journée les pieds et les mains dans la m---e, au c-l des mignonnes brebis et des gentilles va-vaches): pour le cadre exceptionnel de ce bureau à ciel ouvert. On regarde par la fenêtre, on s'emplit de paysage, on se gave de vert et on respire profondément ce coin de paradis pyrénéen qui ne ressemble à aucun autre. Jugez encore et plutôt:

quelques-unes de nos aires de pique-nique sauvage, jamais très loin de la civilisation, toujours uniques, suspendues entre le vert et le bleu.
Et ce n'est pas du snobisme ni du 64-isme version Euskal herria, hein. Ossau, Aspe et Barétous sont fascinants, les Pyrénées centrales (dites "hautes") grandioses, le Luchonnais magnifique, l'Aragon majestueux, la Catalogne a ses Encantats, l'Ariège ses trésors de caillou, de vert et d'eau. Les Pyrénées sont belles jusqu'au Cap de Creus, où elles se jettent nues dans la Méditerranée - ce n'est pas nous qui vous dirons le contraire. On essaye d'ailleurs de leur rendre hommage aussi souvent que possible dans ces colonnes. Mais ça n'enlève rien au charme unique de la basse Navarre. Aaaah, la basse Navarre: ses villages typiques, ses brebis folkloriques, ses bergers rustiques, ses prairies buccoliques... sa faune endémique! Parmi les résidents habituels du cru, le vautour fauve est un modèle d'intégration: au paysage, à la chaîne alimentaire et au modus vivendi local. Nettoyeur à haute pression, moins cher et plus durable que l'équarrissage, véritable cul-de-sac épidémiologique pour plein de germes pathogènes, c'est également - malgré le déni forcené et coupable des autorités comme des ayatollahs de la LPO - un prédateur occasionnel dont la prolifération met en danger les jeunes et nouveaux-nés au pré, sans parler des bergers et randonneurs imprudents. Énormes, gras et pas impressionnables pour deux sous, les vautours vivent à l'aise au contact des humains et de leurs troupeaux. Certains finissent même confortablement assis dans des bureaux de banques ou d'administrations!

ô Gyps, suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours: laissez-nous savourer les délices, des plus beaux de nos jours!
Une fois terminée cette pause délicieuse, ce(tte) (t)rêve éveillé(e) ou pas, cette bulle d'autre monde, il faut y retourner. Enfiler à nouveau les bottes crottées et à nouveau zipper la combinaison, pour mieux redescendre à la terre, à ses petits tracas et ses mondaines préoccupations. Dans la bonne humeur et contre la montre, comme tout au long de la matinée, faire de la mauvaise volonté des uns et de l'esprit de contradiction des autres un entraînement de guerrier zen. Il n'y a rien au bout de la patience: au bout de la patience, il y a plus de patience. La pile des DAP (document d'accompagnement de prélèvements) diminue lentement. Mais centrer son attention sur le résultat ne mène nulle part. Seul existe le moment présent. Oooom! Enfin, bon, ça c'est la théorie... "Milesker! Adio!" Le chien, la voiture, les pneus... Jusqu'à ce que tout à coup, l'accordéon expire, le dernier DAP soit signé et les derniers vacutainers soient dans un sac en plastique fermé, dans le coffre de la voiture: mission accomplie, retour à la base. Paperasse, lessive, douche. À un moment ou à un autre, le soleil se couchera derrière les crêtes d'Iparla, il y aura de l'ardi gasna pour accompagner la soupe au dîner, et sans doute un verre de rouge. Et demain, alors? Bah, on recommencera.

de retour à la base: coucher de soleil depuis la terrasse, ardi gasna fermier pour le dessert et calme humide de la nuit (et un hypallage, un!)


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on l'a déjà évoqué (plus d'une fois!) dans ces colonnes et en cliquant sur les mots-clefs "vétos, vaches, brebis, bétail et/ou Iparralde" dans le minibus/nuage de mots de la colonne de droite, vous devriez trouver quelques posts pour une petite mise en bouche, ou mise à jour rapide.

** traduction approximative et immédiate de la canción de las simples cosas, bien sûr: autre référence récurrente et autre milestone d'Un(t)raveling, dont on ne se lasse pas, qu'elle soit chantée par Chavela Vargas, Mercedes Sosa ou, comme ici, par Concha Buika.

*** extrait de La sieste de José María de Heredia (1842-1905). cherchez-le, lisez-le, piquez un somme...


Thursday, February 23, 2017

CONtes de la FOLiENS ordinaire

et autres histoires.

À titre emprunté, on ne devrait pas trop regarder les dents. Et encore moins lui tripoter les syllabes. On le rendra donc à qui de droit, en même temps qu'un hommage de circonstance - sobre et subtil. Voilà, ça devrait faire l'affaire...

Antiquités Brocante, mais pas seulement: Pension de famille dans son jus, aussi!
Tout ça parce qu'on n'avait nulle part où ranger une vieille édition de poche jaunie qui traînait depuis longtemps et que faute d'autre chose à se mettre sous la dent, Futuna avait décidé de le lire. Et puisqu'il y était, de jouer un peu avec. Pourtant, le décor était plus buccolique que Bukowski. Pourtant, il évoquait davantage une idylle dans un motel à la Wong Kar Wai que la vie dans un bordel au Texas. Mais c'est l'occasion qui fait le larron, non? Et retourner à la case départ a ceci de bon qu'on recommence, réinvente, refait et reconstruit. Mais aussi qu'on fait des trucs qu'on n'avait pas ou n'aurait pas fait "en temps normal".

C'est quoi un temps normal, d'abord?

Bien. On venait de rentrer de notre non-voyage au bout du monde. Et comme au bon vieux temps, on n'avait plus vraiment de chez nous, sauf un petit lit sur 4 petites roues. Wallis avait donc cherché du travail saisonnier de vétérinaire sanitaire pour les premiers mois de l'année. N'importe où, ou presque. Elle en avait même trouvé, qu'elle avait accepté. Elle avait fait tout ça depuis le Japon. Ouais. Sur internet, avec un entretien par Skype. Elle est comme ça, Wallis. Rien ne lui résiste. Cause she's cool, you know? L'affaire se passait pas très loin d'Oradour-sur-Glane (ceci explique cela), au beau milieu de nulle part la Charente limousine. Futuna, quant à lui, comptait retourner au Pays Basque comme tous les ans et attendait pour ça que le téléphone sonne. Eh oui! Futuna est adorable bien qu'un tantinet moins proactif. Faut dire qu'il avait déjà des traductions/révisions pour occuper tout son mois de janvier.

tout y est: la vierge, le kitsch postal et le mobilier "vintage" (pour ne pas dire désespérément ringard), les portraits de famille et l'ivoi'art...
"Bah", il s'était dit. "Quite à passer mes journées le cul sur une chaise et le nez collé à un écran, autant que ce soit auprès de ma blonde!". Pas proactif, le mec, mais romantique: autant qu'on veut. Et puis cet ordinateur, il fallait bien le poser sur un bureau et avoir une chaise à y poser devant... Il avait donc suivi le mouvement, chargé sa couenne et son sac à dos dans le 2c15 et avait remonté la N20 avec elle jusqu'à Brive-la-Gaillarde. Là, ils avaient tourné à gauche, puis enfilé comme autant de perles à un collier des départementales z-à  leurs roues. Ils s'étaient garés devant un vieux chapiteau bouffé de mousse (un dancing depuis longtemps déserté), pour s'installer sur les conseils de leurs vétos-et-patrons dans une pension que l'on aurait pu (en espérant ne blesser personne) qualifier de miteuse.

quelqu'un a dit "un motel à la Wong Kar Wai"? Mais... c'est l'hôtel de Shining!
Jugez plutôt: l'enseigne qui donne le ton sur la façade, le bric-à-brocante poussiéreux au rez-de-chaussée, l'odeur de moisi dans l'escalier, la moquette élimée le long du couloir et la salle de bains sur le palier. Pour rendre à César, il faudrait aussi signaler les pensionnaires alcolos qui éclusent et fument du soir au petit matin, toutes fenêtres fermées dans la cuisine commune. Qui semblent sortis de la monographie Wikipedia sur la cirrhose. Qui mieux que personne, plantent le décor alla Bukowski. Et qui, en allant se coucher, titubent dans le couloir et grattent à notre porte en miaulant et en chantant "Ay, quiero hacerte el amor esta noche"... Bon, comme nous a dit la taulière quand on est allés se plaindre "c'est plutôt flatteur!", comme s'ils désignaient la plus jolie fille de la ville. Non madame, c'est pas flatteur, c'est juste relou, en fait. Vous nous direz, ça ou des jumelles mortes en robe à fleurs et un petit garçon avec un tricycle, c'est vrai qu'on ne perdait pas au change (pardi!).

Sinon bah, le coin était joli et Bukowlique ; on était au bord de la Vienne, pas les pieds dans l'eau mais presque ; on se sentait bien dans la campagne charentaise (disons qu'elle nous allait comme une pantoufle un gant, ha ha!) ; on explorait ce qu'on pouvait pendant et après le travail. C'était plutôt plat, mais toujours pittoresque. Il y avait des chateaux en ruines sur des buttes en marnes, du bocage pas normand avec du bétail paîssant, des sentiers escarpés et même, des dérivations pour  personnes moins agiles! Si, si: le grand mariage zen de l'authentique et du trou-du-cul du monde à 4 heures de Paname... En lieu et place de la chatte blanche, on avait un chat gris un peu con qui passait son temps à gratter à la fenêtre des toilettes pour entrer, traverser la chambre et aller gratter à la porte pour sortir dans le couloir. On est même tombés tout à fait par hasard sur un bled avec le même nom qu'un ancien président de la République, dont la stratégie pour nous arracher un second mandat faisait encore recette. En cette période pré-électorale, on vérifiait que - décidément - la politique est l'art d'enculer les mouches et de refaire du neuf avec du vieux: "Ça marche, ça marche! Ils te suivent, n'arrête pas de souffler dans ton pipeau!". Fin de la parenthèse.

sans intention ni message cachés: trois femmes, trois poulets, douze singes volants qui ne sont jamais arrivés à baiser et pas de chaussettes!

La routine s'était installée assez vite et c'était rassurant: après le p'tit déj, Wallis partait vers 8h et Futuna se mettait au travail (après avoir traîné un peu au lit en lisant le journal ou ce vieux recueil de nouvelles jauni par les années) jusqu'à l'heure de préparer le repas de midi. Cons comme le Christ, nos alcoolos de service fumaient dans la cuisine, tapaient dans nos réserves et chuchottaient avec des airs de conspirateurs dès qu'on était dans les parages. Wallis passait manger à un moment variable entre 12h et 13h30, prenait un café puis repartait. Rebelote l'après-midi. Traductions/révisions, éventuellement les courses puis c'était le soir. Le mois de janvier était passé très vite, un peu comme un rêve. Et puis un jour, un peu comme après un rêve, le réveil avait sonné. Enfin, pas exactement: c'est le téléphone qui avait sonné. C'était le pays basque / il fallait y aller / c'était urgent. Le zoo libéré, des brebis partout, vite! Tu peux être là hier? Il fallait aussi déménager des affaires en Ariège au passage. Soudain, il y avait des traductions dans la pile d'attente... Bref, en l'espace de 48 heures, c'était le stress, il fallait se séparer, tout plaquer, courir et tel le petit ramoneur - vaillant et enthousiaste - il fallait retourner au charbon et au pas de course, siou plaît!

après Kramer contre Kramer, Panoramique contre Panoramique ou "comment troquer un cauchemar orange  pour un horizon bleu".

On pourrait presque dire qu'une fois là-bas, dans le plus petit coin de Navarre, tout n'était que luxe, calme et volupté. Mais ce serait mentir: prophylaxie sanitaire la journée, traductions la nuit et un projet secret dont vous entendrez peut-être parler dans quelques mois si tout va bien (et non: ce n'est pas ce que vous imaginez!). Ajoutez à ça qu'au détour d'une visite sanitaire, j'ai vécu avec l'ennemi public nº1, alias Hugues Aufray et vous aurez presque la teneur des carnets d'un suicidé en puissance! J'exagère, c'était bien quand même. Voilà, cette fois je crois que je les ai tous glissés dans ce post, je vais donc pouvoir conclure... Excusez-moi une seconde, c'est mon téléphone. Voyons:

- Allô? Oui, c'est moi. Quoi? Euh, pardon, comment?
- ...
- On en a oublié un?
- ...
- Il faut que je leur raconte aussi quand nous sommes allés au festival de la Bédé d'Angoulême
retrouver notre cher A. et ses potes? Et où nous avons eu des discussions très animées, en particulier
le jour où nous avons parlé de James Thurber?
- ...
- D'accord! Merci beaucoup en tout cas! Oui, c'est ça. Au revoir!


et à la demande générale: le jour où nous avons péché des cace-dédis.


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