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Friday, March 17, 2017

l'arbre qui (ne) cachait (pas) la forêt

Comme (presque) chaque hiver depuis (presque) dix ans, le pays basque français (aka Euskal Herria, Hiparralde ou basse Navarre: appelez-le comme vous voudrez) nous accueille pour un mois ou deux, le temps d'y faire du travail saisonnier et vétérinaire - à moins que ce ne soit plutôt le contraire.

brebis Manech "têtes noires" et "têtes rousses" au pré et au soleil du pays Quint.
Si l'on y revient encore et toujours, c'est sans doute moins pour le travail en lui-même* que pour son cadre magnifique : vert et minéral, domestique et sauvage, désert et habité, intense et bienveillant, etc. (les qualificatifs manquent souvent, les contrastes, jamais : jugez plutôt). C'est donc peu à peu devenu une habitude et, sans qu'on s'en rende compte, ce vrai petit val qui mousse de moutons, ce trou de verdure où chantent plusieurs Nive (allez, quand d'autres rendent montres et costumes, rendons à Arthur ce qui est à Arthur) a pris une place de choix parmi nos #backyard views: ces non-maisons, résidences temporaires, haltes nomades et autres "et toujours l'on revient, à ces lieux du passé, où l'on aimait la vie"** qui nous ont ouvert leur porte et pas que, pour une nuit ou pour plusieurs années. Car l'incroyable richesse et la variété des "vues de ma fenêtre" offertes par nos maisons sur roues (successivement le TRANSITion! et le 2c15), différentes chaque matin, ne sauraient éclipser celle d'ici, du premier étage du cabinet vétérinaire. Toujours la même et pourtant, elle aussi, toujours différente. Au prix d'une prétérition, on vous épargne le proverbe bouddhiste du bain dans la même rivière et de l'eau nénamoins toujours renouvelée. Et pourtant Ford sait que ça viendrait à point et tomberait à pic. Ça, c'est fait. Reste encore à caler une prosopopée ou un hypallage quelque part et on aura le quota pour aujourd'hui.

star indiscutable de nos séjours hivernaux ici: l'arbre par la fenêtre, qui est aussi au deumeurant par-dessus le toit (si bleu, si calme?)
Bien. Ce post ne prétend pas faire l'éloge de la routine - quoique - ni du bonheur d'ouvrir la fenêtre chaque matin pour découvrir le même paysage, mais bien rendre hommage à celui-ci en particulier: pousser le volet, regarder le ciel (rendons à Saint John ce qui est Saint John), lever les yeux de l'écran et embrasser du regard la ligne des crêtes pelées d'Iparla ou des sommets boisés d'Iraty. En un mot, ce paysage en particulier avec ses circonstances, ses fermes accrochées à flanc de colline et... son arbre désormais presqu'aussi légendaire que celui du Ténéré. Tout comme la vue de la fenêtre, les journées ici - et c'est finalement rassurant - se suivent et se ressemblent toujours un peu. On se lève avec le soleil, on roule, on monte par là, on fait la tournée, on court après la montre, on casse la croûte, on recommence à tourner et à courir après la montre, puis à la fin on redescend pour recommencer le lendemain. Vu de plus près, ça donne ça:
lever de soleil sur le Béhorléguy, qui dépasse un tas de fumier à la Schopenhauer.
On se gare dans la cour d'une ferme, on serre des mains, on parle du temps, du monde qui marche sur la tête et de la même chose que chez le voisin : le prix de l'agneau qui dégringole, le prix de l'aliment qui s'envole, le poids ahurissant des contrôles et des paperasses, la pression et les contraintes qui pèsent sur les éleveurs, chaque année un peu plus lourdes, le peu de jeunes qui s'installent, le futur incertain et le ras-le-bol croissant...

" - Bon, allez. C'est pas tout ça, mais va falloir s'y mettre, hein!" À partir de là, deux options possibles, qui ne changent pas beaucoup le déroulement du machin:

a) " - Comment vous voulez faire, docteur? Il faut vous les tenir? Ah? Bon bon... Oui, d'accord. Je les attache, alors? Oui? Vous êtes sûr? Non non, docteur, c'est comme vous voulez, hein."

b) " -Tu es stagiaire ou tu as fini les études? Tu vas les faire comme ça même, hein? Ah non? Il faut te les attacher? Pourtant d'habitude... Bon, d'accord, c'est comme tu veux, hein."

Dans les deux cas, ils finissent par les attacher de plus ou moins bon coeur et on peut faire le boulot. La question se résume finalement au temps que ça va prendre. Puis on fait signer des papiers (chaque année un peu plus), on se passe un coup de jet sur les bottes et sur les mains, on serre des mains ou le poignet qu'on nous tend puisqu'on vient de se laver les mains, et on part vers la ferme suivante. On évite un chien débile qui se jette sur/sous les roues du 2c15 pour les mordre, et de temps en temps, par nostalgie de l'époque où on découvrait encore la région, on se perd un peu histoire de dire, d'explorer ce chemin mal carrossé ou de pouvoir demander à cette vieille qui bine ses poireaux au soleil où est la maison Truc-etchea ou le GAEC Machin-berria... Le train-train, en définitive.

heureux, espatifflés au soleil et à l'abri du vent à l'heure de la sieste - "pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude..."***
Quand midi sonne (ou midi et demie, ou une heure, ça dépend des jours, des tournées et de la bonne volonté des éleveurs), on s'arrête pour manger un morceau. S'il fait moche et froid, ou si un délégué local nommé par le GDS a pris sa journée pour accompagner la tournée, on va au resto manger un menu ouvrier. Pour 12 ou 13 euros, c'est l'indigestion assurée: garbure au talon de jambon, hors-d'oeuvre, crudités et/ou charcuterie, viande et garniture, fromage de brebis et dessert gâteau basque. Le tout servi généreusement à la mode grand-mère ("vous n'allez pas me laisser ça!"), avec souvent de l'oeuf, du lard, de la friture, de la sauce au beurre et - bien sûr - le gros rouge et le café compris. Même avec des années d'entraînement, c'est toujours difficile de repartir avec tout ça dans le bide. Et pas question de demander "juste un plat du jour en direct" ou "une petite salade verte sur le pouce". Déjà que refuser le pastis pour l'apéro, c'est limite un affront, imaginez le tableau si on demandait poliment des légumes verts bouillis.

comme les porcs basques: trouver un bon spot au soleil et à l'abri du vent est tout un art, qui demande patience, expérience et intuition!
Heureusement, s'il fait soleil et/ou quand la saison est un peu plus avancée, on a l'habitude d'emporter une baguette, du pain, du fromage et des fruits, pour casser la croûte dans ou à côté de la voiture, quelque part avec un peu de vue et pas de vis-à-vis. La sieste de l'après casse-croûte est alors un des petits plaisirs les plus merveilleux qui soient. On se chauffe la couenne au soleil, à l'air libre ou derrière le pare-brise, on rêve éveillé et on déconnecte un moment. Ce qui nous conduit à la principale raison pour laquelle on revient encore et toujours (d'accord, la deuxième principale raison, la première étant que c'est un travail rémunéré et que si c'était bénévole, on irait sans doute se promener sans passer la journée les pieds et les mains dans la m---e, au c-l des mignonnes brebis et des gentilles va-vaches): pour le cadre exceptionnel de ce bureau à ciel ouvert. On regarde par la fenêtre, on s'emplit de paysage, on se gave de vert et on respire profondément ce coin de paradis pyrénéen qui ne ressemble à aucun autre. Jugez encore et plutôt:

quelques-unes de nos aires de pique-nique sauvage, jamais très loin de la civilisation, toujours uniques, suspendues entre le vert et le bleu.
Et ce n'est pas du snobisme ni du 64-isme version Euskal herria, hein. Ossau, Aspe et Barétous sont fascinants, les Pyrénées centrales (dites "hautes") grandioses, le Luchonnais magnifique, l'Aragon majestueux, la Catalogne a ses Encantats, l'Ariège ses trésors de caillou, de vert et d'eau. Les Pyrénées sont belles jusqu'au Cap de Creus, où elles se jettent nues dans la Méditerranée - ce n'est pas nous qui vous dirons le contraire. On essaye d'ailleurs de leur rendre hommage aussi souvent que possible dans ces colonnes. Mais ça n'enlève rien au charme unique de la basse Navarre. Aaaah, la basse Navarre: ses villages typiques, ses brebis folkloriques, ses bergers rustiques, ses prairies buccoliques... sa faune endémique! Parmi les résidents habituels du cru, le vautour fauve est un modèle d'intégration: au paysage, à la chaîne alimentaire et au modus vivendi local. Nettoyeur à haute pression, moins cher et plus durable que l'équarrissage, véritable cul-de-sac épidémiologique pour plein de germes pathogènes, c'est également - malgré le déni forcené et coupable des autorités comme des ayatollahs de la LPO - un prédateur occasionnel dont la prolifération met en danger les jeunes et nouveaux-nés au pré, sans parler des bergers et randonneurs imprudents. Énormes, gras et pas impressionnables pour deux sous, les vautours vivent à l'aise au contact des humains et de leurs troupeaux. Certains finissent même confortablement assis dans des bureaux de banques ou d'administrations!

ô Gyps, suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours: laissez-nous savourer les délices, des plus beaux de nos jours!
Une fois terminée cette pause délicieuse, ce(tte) (t)rêve éveillé(e) ou pas, cette bulle d'autre monde, il faut y retourner. Enfiler à nouveau les bottes crottées et à nouveau zipper la combinaison, pour mieux redescendre à la terre, à ses petits tracas et ses mondaines préoccupations. Dans la bonne humeur et contre la montre, comme tout au long de la matinée, faire de la mauvaise volonté des uns et de l'esprit de contradiction des autres un entraînement de guerrier zen. Il n'y a rien au bout de la patience: au bout de la patience, il y a plus de patience. La pile des DAP (document d'accompagnement de prélèvements) diminue lentement. Mais centrer son attention sur le résultat ne mène nulle part. Seul existe le moment présent. Oooom! Enfin, bon, ça c'est la théorie... "Milesker! Adio!" Le chien, la voiture, les pneus... Jusqu'à ce que tout à coup, l'accordéon expire, le dernier DAP soit signé et les derniers vacutainers soient dans un sac en plastique fermé, dans le coffre de la voiture: mission accomplie, retour à la base. Paperasse, lessive, douche. À un moment ou à un autre, le soleil se couchera derrière les crêtes d'Iparla, il y aura de l'ardi gasna pour accompagner la soupe au dîner, et sans doute un verre de rouge. Et demain, alors? Bah, on recommencera.

de retour à la base: coucher de soleil depuis la terrasse, ardi gasna fermier pour le dessert et calme humide de la nuit (et un hypallage, un!)


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on l'a déjà évoqué (plus d'une fois!) dans ces colonnes et en cliquant sur les mots-clefs "vétos, vaches, brebis, bétail et/ou Iparralde" dans le minibus/nuage de mots de la colonne de droite, vous devriez trouver quelques posts pour une petite mise en bouche, ou mise à jour rapide.

** traduction approximative et immédiate de la canción de las simples cosas, bien sûr: autre référence récurrente et autre milestone d'Un(t)raveling, dont on ne se lasse pas, qu'elle soit chantée par Chavela Vargas, Mercedes Sosa ou, comme ici, par Concha Buika.

*** extrait de La sieste de José María de Heredia (1842-1905). cherchez-le, lisez-le, piquez un somme...


Thursday, February 23, 2017

CONtes de la FOLiENS ordinaire

et autres histoires.

À titre emprunté, on ne devrait pas trop regarder les dents. Et encore moins lui tripoter les syllabes. On le rendra donc à qui de droit, en même temps qu'un hommage de circonstance - sobre et subtil. Voilà, ça devrait faire l'affaire...

Antiquités Brocante, mais pas seulement: Pension de famille dans son jus, aussi!
Tout ça parce qu'on n'avait nulle part où ranger une vieille édition de poche jaunie qui traînait depuis longtemps et que faute d'autre chose à se mettre sous la dent, Futuna avait décidé de le lire. Et puisqu'il y était, de jouer un peu avec. Pourtant, le décor était plus buccolique que Bukowski. Pourtant, il évoquait davantage une idylle dans un motel à la Wong Kar Wai que la vie dans un bordel au Texas. Mais c'est l'occasion qui fait le larron, non? Et retourner à la case départ a ceci de bon qu'on recommence, réinvente, refait et reconstruit. Mais aussi qu'on fait des trucs qu'on n'avait pas ou n'aurait pas fait "en temps normal".

C'est quoi un temps normal, d'abord?

Bien. On venait de rentrer de notre non-voyage au bout du monde. Et comme au bon vieux temps, on n'avait plus vraiment de chez nous, sauf un petit lit sur 4 petites roues. Wallis avait donc cherché du travail saisonnier de vétérinaire sanitaire pour les premiers mois de l'année. N'importe où, ou presque. Elle en avait même trouvé, qu'elle avait accepté. Elle avait fait tout ça depuis le Japon. Ouais. Sur internet, avec un entretien par Skype. Elle est comme ça, Wallis. Rien ne lui résiste. Cause she's cool, you know? L'affaire se passait pas très loin d'Oradour-sur-Glane (ceci explique cela), au beau milieu de nulle part la Charente limousine. Futuna, quant à lui, comptait retourner au Pays Basque comme tous les ans et attendait pour ça que le téléphone sonne. Eh oui! Futuna est adorable bien qu'un tantinet moins proactif. Faut dire qu'il avait déjà des traductions/révisions pour occuper tout son mois de janvier.

tout y est: la vierge, le kitsch postal et le mobilier "vintage" (pour ne pas dire désespérément ringard), les portraits de famille et l'ivoi'art...
"Bah", il s'était dit. "Quite à passer mes journées le cul sur une chaise et le nez collé à un écran, autant que ce soit auprès de ma blonde!". Pas proactif, le mec, mais romantique: autant qu'on veut. Et puis cet ordinateur, il fallait bien le poser sur un bureau et avoir une chaise à y poser devant... Il avait donc suivi le mouvement, chargé sa couenne et son sac à dos dans le 2c15 et avait remonté la N20 avec elle jusqu'à Brive-la-Gaillarde. Là, ils avaient tourné à gauche, puis enfilé comme autant de perles à un collier des départementales z-à  leurs roues. Ils s'étaient garés devant un vieux chapiteau bouffé de mousse (un dancing depuis longtemps déserté), pour s'installer sur les conseils de leurs vétos-et-patrons dans une pension que l'on aurait pu (en espérant ne blesser personne) qualifier de miteuse.

quelqu'un a dit "un motel à la Wong Kar Wai"? Mais... c'est l'hôtel de Shining!
Jugez plutôt: l'enseigne qui donne le ton sur la façade, le bric-à-brocante poussiéreux au rez-de-chaussée, l'odeur de moisi dans l'escalier, la moquette élimée le long du couloir et la salle de bains sur le palier. Pour rendre à César, il faudrait aussi signaler les pensionnaires alcolos qui éclusent et fument du soir au petit matin, toutes fenêtres fermées dans la cuisine commune. Qui semblent sortis de la monographie Wikipedia sur la cirrhose. Qui mieux que personne, plantent le décor alla Bukowski. Et qui, en allant se coucher, titubent dans le couloir et grattent à notre porte en miaulant et en chantant "Ay, quiero hacerte el amor esta noche"... Bon, comme nous a dit la taulière quand on est allés se plaindre "c'est plutôt flatteur!", comme s'ils désignaient la plus jolie fille de la ville. Non madame, c'est pas flatteur, c'est juste relou, en fait. Vous nous direz, ça ou des jumelles mortes en robe à fleurs et un petit garçon avec un tricycle, c'est vrai qu'on ne perdait pas au change (pardi!).

Sinon bah, le coin était joli et Bukowlique ; on était au bord de la Vienne, pas les pieds dans l'eau mais presque ; on se sentait bien dans la campagne charentaise (disons qu'elle nous allait comme une pantoufle un gant, ha ha!) ; on explorait ce qu'on pouvait pendant et après le travail. C'était plutôt plat, mais toujours pittoresque. Il y avait des chateaux en ruines sur des buttes en marnes, du bocage pas normand avec du bétail paîssant, des sentiers escarpés et même, des dérivations pour  personnes moins agiles! Si, si: le grand mariage zen de l'authentique et du trou-du-cul du monde à 4 heures de Paname... En lieu et place de la chatte blanche, on avait un chat gris un peu con qui passait son temps à gratter à la fenêtre des toilettes pour entrer, traverser la chambre et aller gratter à la porte pour sortir dans le couloir. On est même tombés tout à fait par hasard sur un bled avec le même nom qu'un ancien président de la République, dont la stratégie pour nous arracher un second mandat faisait encore recette. En cette période pré-électorale, on vérifiait que - décidément - la politique est l'art d'enculer les mouches et de refaire du neuf avec du vieux: "Ça marche, ça marche! Ils te suivent, n'arrête pas de souffler dans ton pipeau!". Fin de la parenthèse.

sans intention ni message cachés: trois femmes, trois poulets, douze singes volants qui ne sont jamais arrivés à baiser et pas de chaussettes!

La routine s'était installée assez vite et c'était rassurant: après le p'tit déj, Wallis partait vers 8h et Futuna se mettait au travail (après avoir traîné un peu au lit en lisant le journal ou ce vieux recueil de nouvelles jauni par les années) jusqu'à l'heure de préparer le repas de midi. Cons comme le Christ, nos alcoolos de service fumaient dans la cuisine, tapaient dans nos réserves et chuchottaient avec des airs de conspirateurs dès qu'on était dans les parages. Wallis passait manger à un moment variable entre 12h et 13h30, prenait un café puis repartait. Rebelote l'après-midi. Traductions/révisions, éventuellement les courses puis c'était le soir. Le mois de janvier était passé très vite, un peu comme un rêve. Et puis un jour, un peu comme après un rêve, le réveil avait sonné. Enfin, pas exactement: c'est le téléphone qui avait sonné. C'était le pays basque / il fallait y aller / c'était urgent. Le zoo libéré, des brebis partout, vite! Tu peux être là hier? Il fallait aussi déménager des affaires en Ariège au passage. Soudain, il y avait des traductions dans la pile d'attente... Bref, en l'espace de 48 heures, c'était le stress, il fallait se séparer, tout plaquer, courir et tel le petit ramoneur - vaillant et enthousiaste - il fallait retourner au charbon et au pas de course, siou plaît!

après Kramer contre Kramer, Panoramique contre Panoramique ou "comment troquer un cauchemar orange  pour un horizon bleu".

On pourrait presque dire qu'une fois là-bas, dans le plus petit coin de Navarre, tout n'était que luxe, calme et volupté. Mais ce serait mentir: prophylaxie sanitaire la journée, traductions la nuit et un projet secret dont vous entendrez peut-être parler dans quelques mois si tout va bien (et non: ce n'est pas ce que vous imaginez!). Ajoutez à ça qu'au détour d'une visite sanitaire, j'ai vécu avec l'ennemi public nº1, alias Hugues Aufray et vous aurez presque la teneur des carnets d'un suicidé en puissance! J'exagère, c'était bien quand même. Voilà, cette fois je crois que je les ai tous glissés dans ce post, je vais donc pouvoir conclure... Excusez-moi une seconde, c'est mon téléphone. Voyons:

- Allô? Oui, c'est moi. Quoi? Euh, pardon, comment?
- ...
- On en a oublié un?
- ...
- Il faut que je leur raconte aussi quand nous sommes allés au festival de la Bédé d'Angoulême
retrouver notre cher A. et ses potes? Et où nous avons eu des discussions très animées, en particulier
le jour où nous avons parlé de James Thurber?
- ...
- D'accord! Merci beaucoup en tout cas! Oui, c'est ça. Au revoir!


et à la demande générale: le jour où nous avons péché des cace-dédis.


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Wednesday, March 11, 2015

Bruits de fonds d'étables... (3)

...et autres brèves d'abreuvoirs


Sauf vot' respect monsieur Aufray!*

Depuis deux jours au cabinet, on ne parle que de toi. Chacun y va de sa petite histoire, évoque quelque épisode sinistre ou égrène la liste des affections psychiatriques dont tu souffres. Comme la fois où tu as chassé B. avec une fourche. Comme le regard dégoûtant que tu poses sur les ASV chaque fois que tu viens au cabinet. Ou comme tes voisins, qui ont préféré calfeutrer les fenêtres qui donnent sur ta maison. Mais la plus terrible, c'est celle que m'ont racontée P. et Z. hier. La fois où D., appelé en urgence pour un vêlage difficile, est entré dans l'étable et y a trouvé ton chien en train de rejouer la scène finale du Meilleur des mondes: il se balançait doucement au milieu de l'allée centrale, pendu à une poutre. "Oui mais, - lui aurais-tu alors expliqué comme une réponse à la question qu'il avait préféré ne pas poser - je lui ai pourtant dit cent fois qu'on ne mord pas le jarret des vaches!"

"- Meuh non, c'est pas vrai'! - Meuh si, tout l'monde en parle, j'te dis!"
K. m'a même précisé que si on m'envoie chez toi, c'est parce qu'on ne peut raisonnablement pas laisser A. (elle aussi embauchée pour la prophylaxie sanitaire) se présenter chez toi seule. Avec les femmes, ça se passe déjà mal au cabinet, on ne va pas t'en livrer une à domicile! Tu risquerais de le prendre comme un défi. En tout cas, tous sont tombés d'accord: si ça tourne mal, il faut filer en vitesse. Ne pas répondre, ne pas envenimer les choses. Ils ont acquiescé en silence puis baissé la tête. Avec un peu de chance, tu seras simplement mal luné, tu m'insulteras depuis la fenêtre de la cuisine et refuseras de m'ouvrir. Au fond ce serait un moindre mal... et à nouveau les hochements de tête et le silence gêné, regards au sol.

Et le grand jour arrive. La matinée se passe bien, chargée mais sans histoires. Je monte déjeuner au restaurant du col de G., réputé pour son calme et sa vue imprenable sur le bourg de B. et toute la vallée. En fait de calme, un autocar de jeunes retraités en goguette occupe une bonne moitié de l'immense salle à manger. Ils en sont au dessert, n'ont visiblement pas bu que de l'eau, chantent en canon des traditionnels pyrénéens et encouragent ceux qui dansent déjà entre les tables une espèce de tarentelle à la sauce béarnaise. Pour la vue, je repasserai: la brume épaisse tombée avant midi nous enveloppe comme pour cacher ce sein que l'on ne saurait voir. Je mange avec appétit un croque-monsieur basque (un bon kilo de pain de campagne épais, fromage de brebis AOP fondu et jambon du Kintoa poêlé) servi sur un lit de salade, pomme et raisins secs. Je n'ai déjà plus faim. On me sert alors quatre truitelles de la Nive farinées, grillées et arrosées d'une sauce à la crème et amandes effilées, accompagnées de croquettes de pomme de terre et purée de carotte. Je leur fais honneur en finissant soigneusement mon assiette. Je suis prêt à exploser. Puis vient le plateau de fromages et sa confiture de cerises. Et le dessert du jour: tiramisu mangue-ananas. D'accord, je connais les portions du coin, mais je commence à soupçonner que n'est pas le menu du jour à douze euros cinquante. C'est peut-être, je pense avec émotion, un special treat des vétos au cas où ce serait mon dernier repas... Je demande un café et l'addition à contre-cœur. J'ai rendez-vous chez toi à quatorze heures, quinze heures viennent de sonner là en-bas, sur terre, dans la brume. Je n'arrive pas à décoller.

Retour sur terre après une courte pause au ciel...
Je décide finalement de faire une autre maison avant la tienne, sous prétexte qu'elle est sur ma route et que comme ça, je n'aurai pas à y retourner après. Il s'agit d'un petit troupeau d'une quinzaine de vaches: prises de sang et traitement anti-parasitaire. J'apprécie comme jamais l'indolence bonhomme de l'éleveur et le remercie en silence à chaque vache qu'il attache maladroitement avec son méchant bout de corde, s'y reprenant à deux fois, sans se presser. Et sans succès. Je savoure comme une dernière cigarette le sursis de ses gestes lents et, il faut le dire, maladroits. Chaque fois que son lasso improvisé agrippe une corne, la vache secoue la tête doucement et se libère. D'habitude, ce petit jeu me fait enrager. Aujourd'hui, il m'émerveille. J'y vois un moment de complicité entre l'homme et l'animal. Mieux, un exemple troublant de co-évolution, chacun des ces organismes symbiotes ayant développé au fil des générations astuces et adaptations pour tirer le meilleur profit de l'interaction - de l'autre, pour être moins politiquement correct. Une heure pour une visite qui aurait pu nous prendre vingt minutes: en temps normal, j'aurais eu la sensation de perdre mon temps. Aujourd'hui, je sens que je l'ai gagné et le savoure à petites bouffées, soufflant mentalement dans l'air de l'étable de petits ronds de fumée bleue. Plus haut dans le ciel, un aigle me donne l'heure... Lieeek!**

Il est environ seize heures quand je gare finalement la voiture devant chez toi. La bande-son de ce moment s'impose d'elle même: "Avec ce retard là, tu ne m'ouvriras pas - chante Thomas Fersen dans les transports en commun - autant faire demi-tour, et remettre l'amour". Je klaxonne déjà soulagé: tu vas me crier d'aller me faire voir, ce que je ferai avec un plaisir non dissimulé. Et là, tu apparais. Grand et mince dans ta combinaison vert anglais, le casque argenté et la fière moustache de Gaulois flottant au-dessus d'une ébauche de sourire. Hughes! Surgissant du passé, il était revenu. Ô l'oiseau, ô dis, emmène-moi, comme avant, dans mes rêves d'enfant... (Merci Barbara pour cet intermède intemporel). La ressemblance est troublante. Barbara s'efface. Thomas Fersen l'a précédée en coulisses alors que tu montais sur scène aux premiers accords de Santiano.

Puisqu'on est dans la chanson française éternelle: C'est la danse...
S'ensuit une conversation inattendue:
- Vous êtes le vétérinaire? 
- Oui, dis-je en m'excusant déjà de n'être pas plus loin (Jacques Brel, sors de ce corps!)
- Dios! Je ne suis pas prêt. Je ne vous attendais pas si tôt!
Grglk... (gargouillis inintelligible mais à l'unisson des truitelles, du croque-monsieur et du tiramisu)
- Vous ne pouvez pas aller faire le voisin et revenir dans un moment? Je dois les attacher.
- À vrai dire, vous êtes le dernier de la journée. Et je m'empresse d'ajouter: si ça ne vous convient pas, on reviendra un autre jour!
- Non non non, puisque vous êtes là, on va le faire. Ah la la. Je suis confus docteur, je vais vous demander de patienter.
- Bien sûr, bien sûr, aucun problème, prenez votre temps, je vais m'asseoir là (à te regarder, laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre, l'ombre de ta main, l'ombre de ton chien... euh non!)

En Brel, euh, en bref: tu me dis que tu n'en as pas pour très longtemps: vingt ou vingt-cinq minutes tout au plus (!!!) et que tu m'avertiras dès que tout sera prêt. Après quoi, tu entrouvres la porte coulissante en tôle de l'étable, disparais à l'intérieur et la refermes derrière toi. Au bout de quelques secondes, un concert de mugissements et de coups sourds éclate, s'amplifie et se propage dans le bâtiment comme un frisson.



Dieu! la voix sépulcrale, des Djinns! ...quel bruit ils font.
Fuyons sou la spirale, de l'escalier profond.
Déjà s'éteint ma lampe, et l'ombre de la rampe
Qui le long du mur rampe, monte jusqu'au plafond.
(Victor Hugo, les Djinns, in Les Orientales, 1858.)


Puis il s'éteint comme qu'il a démarré: l'essaim est passé. Je m'éloigne du portail, un subtil réseau de ficelle  tressée de nylon bleu (celle qui lie les balles de paille et que les paysans utilisent pour mille autres trucs du quotidien) et je vais préparer mes affaires. Puis je m'assieds sur le muret à côté de ta voiture pour écrire un texto d'adieu à Wallis. Je me demande si ton portail est plus efficace pour interdire l'entrée aux voleurs ou la sortie aux vaches. Et réalise alors avec effroi que c'est justement son caractère éthéré, intangible, qui le rend dissuasif. Un individu sain d'esprit n'aurait jamais pu le concevoir. C'est donc l'oeuvre d'un déséquilibré. La fenêtre avant de ta Renault express est ouverte, la clé est sur le contact. Bien sûr: tout le monde te connaît, personne ne serait assez fou ici pour te la voler. Les minutes passent trop lentement. Je vais uriner contre la clôture de tes voisins en observant les nuages. Je regarde l'heure: seize heures trente. Dans le ciel, l'aigle se fout de moi. Je passe à nouveau en revue l'intérieur de ta voiture et remarque alors la séparation entre les sièges et la caisse: au lieu des barres ou du grillage habituels, il y a une - comment dire? - une espèce de toile d'araignée tissée en bouts de ficelle bleue noués entre eux. Un filet aux mailles grossières et irrégulières, délicat et d'aspect fragile. Si on ne m'avait pas raconté toutes ces histoires, j'aurais imaginé qu'un enfant l'avait fait pour s'amuser et qu'ému, tu l'avais laissé là. Il se dégage pourtant de ce gigantesque dream-catcher de nylon quelque chose de terriblement dérangeant.

Ce week-end, à la fête à L'hortet, c'est 'Adrénaline' qui mène le bal! Ouais! 
Enfin, la porte de l'étable s'ouvre en grinçant et tu m'invites à entrer en t'excusant à nouveau pour le délai. Le spectacle qui m'attend à l'intérieur le valait bien! Les vaches sont là (en vie!), bien alignées côte à côte. Mais en plus de la sangle habituelle qui les prend à l'encolure, ce sont des dizaines de bouts de ficelle bleue, noués ensemble bout à bout et entrecroisés, qui lient entre eux pattes, cornes et mufles. Le même acharnement patient et laborieux, le même aspect en toile d'araignée que dans ta voiture, pour un résultat d'une autre envergure. On dirait une nature morte macabre sortie tout droit du Silence des agneaux. Ou l'installation d'arbres magiques de Seven. Franchement, si tu voulais me faire flipper, c'est réussi! C'est une caméra cachée, je me dis. Ils doivent tous bien se marrer au cabinet, en voyant ma tête. En tout cas, l'installation joue son rôle à la perfection: les vaches sont calmes et ne bronchent pas quand je les pique. Peut-être ont-elles retenu la leçon du chien? Tu m'aides de ton mieux, me donnes les numéros des boucles, proposes de tenir un peu mieux telle ou telle bête qui est "coquine". En un mot, tu es aimable et mieux luné que la plupart des autres éleveurs. Tu m'accompagnes ensuite derrière le bâtiment, où quelques autres vaches sont attachées et attendent leur tour. C'est seulement quand je m'aperçois que j'ai laissé les papiers sur une boule de foin dans l'étable et fais mine d'aller les chercher que tu perds le contrôle l'espace d'un instant et pars en courant devant moi, pour les ramasser et me les tendre avec un rictus inquiétant. Tu ne veux pas que j'aille seul à l'étable... pour mon bien, sans doute? Une fois le travail terminé, je te fais signer les papiers, te remercie pour ta collaboration et serre la main que tu me tends avec un grand sourire. Je monte dans la voiture et file tout au droit au cabinet prendre une douche chaude et un verre de vin (bien mérité) en guise d'apéritif le temps de finir la paperasseJe dors plutôt mal cette nuit-là (comme les suivantes d'ailleurs), hanté par l'image de ton installation éphémère pour bovins et bouts de ficelle. Je fais des rêves confus d'animaux mutilés et de rituels barbares, dans lesquels tu apparais sourire aux lèvres et moustache au vent. 

C'est une maison bl(ême), adossée à la colline, on y vient à pied, on ne fra...
Le lendemain midi en rentrant à la clinique, je suis reçu par B. qui me demande hilare comment s'est passée notre rencontre de la veille. Quand je lui réponds que ça a été, il me dit que tu es venu au cabinet ce matin en demandant à me voir. Après m'avoir fait mijoter un moment, il me tend une enveloppe. Dedans, ton message: cette phrase écrite sur un post-it "encore désolé docteur, en vous remerciant pour votre patience" et un billet de dix euros. Je me demande encore ce qui s'est passé.



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* pour aussi choquant que cela puisse paraître, les événements rapportés dans ce post sont malheureusement authentiques: lieux, faits, personnes et conversations sont reproduits ici aussi fidèlement que possible. Non, ce n'est pas arrivé dans le Minnesota en 2006. Comme vous le comprendrez, les circonstances ne nous ont pas permis de prendre de photos (qui en auraient traumatisé plus d'un, d'ailleurs).

** toute allusion ironique à un best-seller d'Eckhard Tolle est fortuite et indépendante de notre volonté. Remarque: la traduction française de la réponse de l'aigle à la question "Quelle heure est-il?" donerait quelque chose comme "Il est Maintenant".


Friday, March 6, 2015

Deshilachados: entre (It)acá y otra parte...

Como ya contamos en su momento, hubo un momento a principios de enero en el que nos encontramos de repente sin nuestra casa rodante. La quisimos vender y tuvimos bastante suerte: la vendimos rápido. ¿Demasiado rápido? Tampoco es que teníamos donde ir a parar, a pesar de las habituales casas de familia y amigos. Y aunque se esté muy, pero muy bien en casa de familia y amigos, no son exactamente lugares para quedarse mucho rato... Especialmente en invierno, cuando hace frío y lo que más apetece es moverse poco, abrigarse mucho y quedarse cerca de la estufa todo el día, mirando por la ventana las montañas nevadas, los renos que pastan y cosas así. Uno de nuestros himnos, evocado alguna vez ya en estas columnas, es la Canción de las simples cosas de la gran Chavela Vargas, maravillosamente versionada por Concha Buika y Chucho Valdes:

"Uno vuelve siempre, dice, A los viejos sitios, Donde amó la vida"

D.O. Somontano: ermitas colgadas entre canales de regadío y viñedos.
Y eso es precisamente lo que se nos dio por hacer este invierno: entre tener la casa metida dentro del coche y tener el coche aparcado delante de casa, tuvimos un extraño paréntesis de varias semanas en las que flotamos - apátridas y sin rumbo - entre viejos sitios donde amamos la vida. Con el proyecto de buscarnos una madriguera de alquiler en algún rincón de algún valle pirenaico, emprendimos un mini-recorrido de casas conocidas, de brazos acogedores, de nostalgias adormecidas y de hogares adoptivos... Con dos mochilas y una manta de acrílico a bordo del 2c15 mínimamente acondicionado (pero todavía mucho más austero que el viejo TRANSITion!), la carretera se convirtió en una especie de soma, una especie de droga de textura espesa que difuminaba el frío y la falta de destino concreto a base de kilómetros de paisajes petrificados.

El señor de todas las Catalunyas en pleno ataque de esplendor!
Parecía que las siluetas del Canigó, de Ordesa, del Ossau o del Pic d'Anie se nos apresuraban todas contra los cristales a la vez ; como si el tiempo y las distancias se borraran en el desfile lento de ríos y valles por los retrovisores... Las indicaciones de los carteles: Prades, Jaca, Tremp, Pau, Figueres, Pamplona, Aspet, La Seu... iban perdiendo el significado al pasarnos en el borde de la carretera. Se volvían sonidos familiares pero confusos, oraciones mil veces repetidas: unos salmos a la gloria de aquellas deidades arropadas en la nieve y el olvido. En ningún caso permanecían como referencias tangibles de nuestra divagación invernal... Liberados de las normas topográficas, buscábamos algo a lo que agarrarnos. Siempre nos quedará el Pirineo, parecía decir nuestro ir y venir por la falda de los valles, aunque no tuviéramos ninguna idea clara de qué hacer de Él. Para quien vive o ha vivido cerca del Pirineo, su eje es más bien un centro. Centro de gravedad o de rotación. Centro del mundo, tal vez... Raíz, también. Más que frontera, el Pirineo es puente. Y son muchas las orillas que une su arca de piedra. Con cariño y algo de paciencia, con un poco de tiempo y con lo suficiente silencio, cada una de ellas se deja domesticar. A cada una se la puede llegar a llamar hogar: Pyrénées-Orientales, Catalunya, Ariège, Andorra, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Aragón, Pyrénées-Atlantiques, Nafarroa, País vasco... de mar a mar, y vuelta.

Desayunando en el gran Café Iruña, bocadillitos de jamón contra vientos y mareas.
En estas pocas semanas, cruzamos y transitamos de arriba abajo, en ambos sentidos (y hasta a veces en diagonal) la mayoría de sus provincias. Como huyendo hacia quién sabe donde, dos Ulises (¿o serán dos Uliseses?) que ya ni recuerdan la islita llamada Ítaca que andan buscando... En país vasco como en Eea, la isla de Circe, hace tiempo ya que han cambiado a los marineros por cerdos (with all due respect...). A algunos nostálgicos de la pesca del bacalao puede que les disguste escucharlo pero lo que hay que reconocer, es que sí entienden de jamón... Saben más incluso al Sur de Ibañeta que no al Norte, a pesar del orgullo con el que te hablan allí del Kintoa o de la D.O. Ibaïona. En fin... Por eso quizás y porque la estación de Pamplona o el gran Café Iruña son lugares de aquellos donde amamos la vida, decidimos volver unas semanas a trabajar por las Iparraldias.

El perro pastor educado: si no te puede morder, por lo menos te saludará. 
Hacer temporada de pique (se trata de saneamiento de ganado estacional, una tarea veterinaria a la que dedicamos tradicionalmente parte de los meses de enero, febrero y marzo) allí ya es casi una tradición. Y en épocas de no tener según qué cosas bien claras, las tradiciones son algo demasiado sólido como para no agarrarse de ellas! A pesar de un tiempo particularmente feo, de nevadas y lluvias torrenciales, inundaciones, carreteras cortadas y árboles arrancados ; a pesar de (y como consecuencia) encontrarnos al rebaño de ganaderos de una mala leche de millésime, reconocimos allí caras y rutinas familiares, así como algún que otro nuevo amigo peludo siempre dispuesto a enseñar la patita... o el colmillete. Allí entre vacas y ovejas, se trabaja de lunes a sábado al aire libre, lo que quiere decir: a la intemperie y no hay excusa que valga para escaparse. Por eso y con semejante dieta, si toca mal tiempo el domingo también, uno no se siente culpable por quedarse en la cama! Aun así, puede que la promesa de unas grandes mareas y un sol tímido te inciten a bajar hasta el océano para "aprovechar" algo del fin de semana. ¡Ingenuos! Una vez traducida, la propuesta suena a algo así como: "pasar frío en los diques abandonados, cazar fotos de faros como otros cazaron molinos de viento hasta finalmente no poder más con los latigazos del viento salado que hace vibrar un mar color de boquerón en salmuera, con aromas de mejillón pasado y vuelos de bolsas de plástico"... Y después de tanto pinchar y tanto vacunar a tanto y tanto ganado, después de ir y venir tantas veces por las mismas cuatro carreteras de los mismos cuatro pueblecillos, después de repetir tantas veces "Hola! Qué hay? Como le va la vida? Están las ovejas? Las tiene preparadas? Cómo que no le habían avisado? Vale, vale, me espero. No hay problema!", una buena mañana llega el último día y a la tarde de repente se acabó, terminó, ya fue.

La desembocadura del río Adour contra vientos y mareas, nunca mejor dicho.
De todo aquello, solo te quedan ropa para lavar y unas mochilas por hacer y nuevamente, allez hop! a la carretera. Solo que ahora, te llevas en el coche un recuerdo tenaz y persistente de aquel mundo rural tan entrañable. Hay historias de veterinarios que después de unos años de trabajo con su coche lo intentan vender y no pueden, de la peste sofocante que desprende. Parece que han curado millones de quesos de leche cruda allí dentro... En nuestro caso y con las temporadas cortitas que hacemos, no es nada que unos árboles mágicos no puedan solucionar. En el supermercado de la esquina, nada más salir de la clínica, te venden estos ambientadores con forma de bandeja de Euskal Herria y olor a manzana verde que hacen milagros... además de garantizarte un encuentro cálido y entretenido con la policía foral o la guardia civil nada más cruzar Ibañeta o el túnel de Aragnouet-Bielsa. No vamos a poner aquí palabras que hagan saltar los robots de la NSA, pero hay una cosa que no deja de fascinarme en las brigadas anti-terrorismo de dichos cuerpos: "Si fueramos t-----istas cruzando el Pirineo con el fin de reunirnos con otros t-----istas o cometer un acto de t-----ismo, ¿de verdad piensan ustedes que lo primero que se nos ocurriría sería colgar una bandeja vasca del retrovisor del coche robado en el que transitamos? ¿De verdad en sus talleres de formación específica, en esto les enseñan que tienen que fijarse?" En fin, cambiemos de tema que acaba de pasar un drone sobrevolando el huerto. De nuevo: colladas, nieve, valles, el Midi de Bigorre como un hito: Adiós Aquitaine! Hola Midi-Pyrénées! ¡Cuánto tiempo! Una y otra vez, el camino se retuerce y se pisotea a sí mismo. Que sensación más extraña, la de dar vueltas así. Lo mismo que hacíamos por el barrio en Barcelona, hace un año y medio. Una eternidad. Solo que ahora hay donde perderse, donde jugar: el patio se extiende de mar a mar.

El Lauragais: luz de fin del mundo y árboles fantasmas. 
A propósito de andar pasando una y otra vez por el mismo punto, decía nuestra querida Clara algo así como: "si te da la sensación que tu vida va en círculos y no estas avanzando, cambia de punto de vista. Pronto verás que se trata más bien de un espiral!" ¡Gracias Clarita! A mi, la línea de nuestras andanzas y vagabundeos me recuerda un trazo en cursiva: bucles grandes y pequeños, redondeando con pluma y tinta las curvas de cada letra... Como si al final se tratara de escribir la propia historia  a lo largo del camino, a base de andar, andar y andar. Y acá estamos otra vez: no muy lejos de Toulouse, entre Ariège, Aude y Tarn. En esta franja de tierra barrida por los vientos, que parece estar dudando siempre entre mar o montaña, continente o mediterráneo, occitán o catalán, lenguadoc o rossellón... Nos ponemos a buscar una madriguera en serio, adivinando en costras de queso de oveja el nombre del pueblo donde iremos a parar. ¡Venga! decidnos algo... Una pista, al menos... ¡Venga! La primera letra del pueblo ¿sí? Igual nos sería más fácil buscar en una playita de arena de la cuna de algún fresco torrente, una jabalina amamantando a sus jabatos, para decidir que allí nos instalaremos. ¿Y por qué no? Por lo menos eso en alguna ocasión se hizo, y con cierto éxito además. Bueno, no me extraña que los oráculos no se hayan quedado eso de las costras del queso entre sus métodos favoritos: los cuervos y el poso del café hablan más y no son tan sibilinos! Al final no hay que darle demasiada bola al ¿dónde?: Nicolas Bouvier decía en L'usage du monde que "lo importante no es llegar a ninguna parte, desde luego se trata de irse". Así que tarde o temprano aparecerá una tierra donde naufragar el 2c15 y sentarnos en un bacno a mirar la puesta del sol... de hecho, puede que ya la hayamos encontrado y esribamos esas líneas desde acá... pero schh! eso es otra historia!)


Deshilachados: entre (It)acá y otra parte...